Avez-vous déjà été à Porto Rico ? Si ce n’est pas le cas, il vous suffit de lancer Debí tirar más fotos, le sixième album studio de la superstar de la musique Bad Bunny sorti le 5 janvier 2025. Mais ce voyage n’est pas pour ceux qui veulent uniquement se reposer à la plage, le chanteur portoricain vous fait découvrir tous les aspects de son île, des ambiances festives aux sentiments anti-impérialistes de la population portoricaine.
Bad Bunny, un artiste engagé…
Bad Bunny, de son vrai nom Benito Antonio Martínez Ocasio, est un, rappeur, chanteur et acteur portoricain, né le 10 mars 1994 à San Juan. Son style musical se définit comme de la trap latino et du reggaeton. Il se fit connaitre en 2016 pour sa chanson « Diles » et il s’est imposé au fil des années comme un des artistes les plus importants de sa génération.
Bien qu’il soit connu dans le monde entier, Bad Bunny n’a jamais hésité à prendre position sur des sujets politiques qu’il considérait importants. En 2020, il est le chanteur le plus écouté au monde et sa base d’auditeurs est principalement située en Amérique du Sud, mais il s’est tout de même positionné en faveur de la communauté LGBT+ avec l’interprétation de son morceau Ignorantes sur le plateau de Jimmy Fallon en arborant un t-shirt avec inscrit « Mataron a Alexa, no a un hombre con falda. » (Ils ont tué Alexa, pas un homme avec une jupe) suite à l’assassinat d’une personne transgenre sur son île natale en 2020. Or, 80% des assassinats de personnes de la communauté LGBT+ sont pourtant commis en Amérique du Sud, c’est donc un sujet de tensions au sein de la population sud-américaine et une telle prise de position a une influence considérable.
Il défend également la cause féministe. Dans sa chanson Yo Perreo Sola, le chanteur portoricain dénonce les violences sexistes justifiées par leur accoutrement, et se déguise en femme pour le clip vidéo. Ces différents échos au féminisme d’un artiste aussi influent font sens puisque toutes les deux heures, un féminicide est commis en Amérique Latine, selon le rapport publié en 2016 par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL).
Mais la cause pour laquelle s’engage le plus Benito Antonio Martínez Ocasio est son île natale. En été 2019, il a participé aux manifestations qui ont conduit à l’éviction du gouverneur Ricardo Rosselló, leader du Nouveau Parti Progressif qui était partisan de la souveraineté des Etats-Unis sur l’île de Porto Rico. L’artiste avait interrompu sa tournée européenne prévue en juillet 2019 afin de se rendre aux manifestations en faveur de la démission de Ricardo Rosselló, lorsque des messages sexistes et homophobes de celui-ci avaient été divulgués. Ces messages s’étaient ajoutés à de nombreuses controverses lors du mandat de Rosselló. Par exemple, en 2017, suite à l’ouragan Maria qui avait dévasté l’île, 15 millions de dollars destinés à la reconstruction du pays, ont été détournés par des membres du gouvernement. En mai de la même année, cet homme politique a fermé des centaines d’écoles publiques lorsque l’île a été déclarée en banqueroute. De nombreux artistes tels que Luis Fonsi, Daddy Yankee, Ricky Martin et Bad Bunny s’étaient joints aux manifestations qui ont permis de renverser le pouvoir en place.
…mais qui semblait s’éloigner de son premier public
En 2023, Bad Bunny sortait son cinquième album studio Nadie Sabe Lo Que Va a Pasar Mañana qui fut un succès commercial (n°1 du Billboard 200 le 29 octobre 2023 ainsi que l’équivalent de 184 000 ventes la première semaine) et bien que les critiques remarquaient l’écriture du chanteur toujours aussi édifiante et le mélange des influences anglophones et hispanophones donnant une ambiance très forte à l’album, certaines critiques ainsi que le public de Bad Bunny ont souligné une créativité en baisse en comparaison avec ses précédents projets. Si on cite l’article de Suzy Expósito du Los Angeles Times, elle remarquait que son projet contrastait avec la « source de la riche narration portoricaine » des projets précédents. On peut souligner donc dans ce projet un éloignement avec les racines portoricaines de Bad Bunny qui avaient fait l’originalité de ses albums. On voit ici la pression de l’industrie musicale poussant Bad Bunny à parler au plus de monde possible en se conformant de plus en plus aux tendances musicales afin de maintenir une audience.
De plus, il a passé environ la moitié de l’année 2024 à l’étranger. Il a terminé une tournée d’arènes qui a rapporté plus de 200 millions de dollars, coprésidé le Met Gala aux côtés de Jennifer Lopez et Zendaya, s’est produit à Vogue World 2024 à Paris et a filmé Happy Gilmore 2 avec Adam Sandler. Mais tous ses voyages à travers le monde et son succès n’ont fait que faire culpabiliser l’artiste. Ce mal du pays a été exacerbé par les types de critiques rampantes qui accompagnent inévitablement son niveau de succès notamment de la part de fans qui l’ont accusé d’avoir abandonné son île pour Hollywood et des critiques quant à son album sorti en 2023. Ces différentes péripéties ont amené l’artiste à se remettre en question afin de revenir avec un projet marquant. C’est ainsi que le 5 janvier 2025, Bad Bunny sort son album Debí tirar más fotos.
Son sixième album, un véritable contre-pied
Pour conserver sa place au sommet de l’industrie musicale, Bad Bunny aurait pu collaborer avec des stars mondiales tout en mélangeant les langues espagnole et anglaise afin de toucher le plus large public possible. L’artiste portoricain fera tout l’inverse.
L’album est entièrement chanté et rappé en espagnol mais ce qui se distingue le plus de ses précédents albums est la sonorité de l’album. L’artiste exprimait dans le TIME : « C’est un album de musique portoricaine, et une ambiance complètement différente de ce que n’importe quel autre artiste a fait », dit-il. « J’ai trouvé mes racines : le son qui me représente. ». Si les albums de Bad Bunny sonnaient principalement reggaeton par le passé, pour Debí tirar más fotos, Bad Bunny a utilisé une palette très poussée de sonorités afin de plonger le plus possible l’auditeur dans un voyage à Porto Rico. Le meilleur exemple de cela est l’introduction de l’album NUEVAYoL (intitulé en référence à la manière de prononcer New York en espagnol portoricain) qui sample un classique de la salsa d’El Gran Combo de Puerto Rico « Un Verano en Nueva York ». La salsa, dont les racines sont cubaines et qui ont été nourries par Boricuas à New York au milieu du XXe siècle, est un excellent exemple de la richesse de la musique portoricaine.
Pour continuer sur la forme de l’album, les personnes ayant contribué à sa composition sont pleinement baignées dans la culture musicale portoricaine. Martínez a appelé de nombreux musiciens prometteurs en studio, pour la plupart de l’école de musique locale Libre de Música San Juan, certains d’entre eux étant des adolescents. Ensemble, ils ont créé BAILE INoLVIDABLE, un morceau de salsa avec des trombones gémissants et un solo de piano ; TURiSTA , un boléro déchirant explorant des thèmes variées ; BOKeTE, avec des influences de bachata ; et Pitorro de Coco , inspiré de la musique jíbaro originaire de la campagne portoricaine et l’un des deux singles sortis avant l’album. De plus, les featurings présents sur l’album sont tous portoricains, on peut citer la chanteuse Rainao, les chanteurs de reggaeton Dei V et Omar Courtz ou encore le groupe Los pleneros de la Cresta.
La cover de l’album est aussi un élément faisant référence directement à Porto Rico. Le fond démontre Porto Rico dans son aspect le plus naturel en montrant un échantillon de la flore de l’île que les auditeurs peuvent directement identifier comme une flore des Caraïbes. En plus de cela, les deux chaises blanches en plastique permettent directement aux populations porto ricaines, et plus largement, aux populations latines de se reconnaitre en l’artiste car ce sont des chaises très minimalistes et peu coûteuses qui sont véritablement ancrées dans la culture des familles d’Amérique latine. Avec cette cover, les auditeurs savent qu’ils vont écouter un album assez personnel où l’artiste va se livrer comme il le ferait assis sur cette chaise en compagnie d’un proche.
Avec tous ces éléments, on peut directement identifier les cibles de cet album : la population portoricaine. Avec les collaborations ainsi que les sonorités utilisées, on constate que les anciennes comme les nouvelles générations de Porto Rico peuvent apprécier et s’identifier au projet du chanteur. Il ne souhaite plus le succès commercial mais il veut que son album fasse date pour les habitants son île natale.
Un message entre nostalgie, culture et politique
Cet album est largement le plus personnel qu’ait pu proposer Martínez. La majorité des chansons de l’album sont tintées de nostalgie notamment à travers l’utilisation de sonorités classiques portoricaines mais aussi à travers les paroles. La nostalgie s’exprime à travers les relations amoureuses passées comme dans la très émouvante chanson BAILE INoLVIDABLE (danse inoubliable) où le chanteur décrit une relation passée ayant laissé une marque indélébile sur lui et dont il rappelle avec joie. La nostalgie s’exprime aussi dans le regret avec la chanson éponyme de l’album DtMF dans laquelle il délivre une performance remplie d’émotions incitant ses auditeurs à profiter du moment présent avec ses proches et en prenant des photos pour pouvoir s’en rappeler.
La culture musicale portoricaine est omniprésente dans l’album mais Bad Bunny fait en sorte que le voyage sur son île natale soit complet en intégrant de nombreuses références à la culture portoricaine en général dans ses paroles. NUEVAYoL fait directement référence à New York qui est un véritable deuxième foyer pour les portoricains. La diaspora portoricaine est en effet très présente à New York. Cette immigration est particulièrement ancienne, elle a commencé dans les années 1860 puis elle s’est intensifiée en 1898 à la suite de la victoire des Etats-Unis contre les espagnols et s’est accentuée par l’obtention de la citoyenneté américaine par les portoricains en 1917. Après la Seconde Guerre mondiale, l’immigration s’intensifia en conséquence de l’Operation Bootstraps, la politique d’industrialisation à Porto Rico, menée par le gouvernement portoricain dirigé par Luis Muñoz Marin, qui accéléra l’exode rural, première étape avant une migration massive vers les États-Unis. En 1947, la mise en place d’un Bureau of Employment and Migration (dont le siège se trouvait à New York) par l’administration portoricaine, avec l’aide du gouvernement américain, contribua fortement à l’essor du mouvement vers les États-Unis. On compte aujourd’hui plus de 800 mille portoricains à New York, c’est la raison pour laquelle cette ville est un second foyer pour les portoricains.
Bad Bunny souhaite réellement montrer le caractère festif de l’île à travers de multiples références culturelles. Dans le morceau KLOuFRENS, il dit : « Dando vueltas por la SanSe escuchando a Dei V y a Ousi » (« Faire le tour du SanSe à l’écoute de Dei V et Ousi »). Ceci est une référence directe l’un des plus grands festivals de Porto Rico, les Fiestas de la Calle San Sebastián. Il fait également référence aux traditions portoricaines à travers le morceau CAFé CON RON, il résume l’esprit festif de l’île en soulignant la tradition de boire du café le matin et du rhum le soir à Porto Rico. En outre, dans la chanson BAILE INoLVIDABLE, l’acteur, poète et réalisateur portoricain Jacobo Morales apparait dans un cours passage interlude de la chanson permettant d’ajouter une narration au morceau nous plongeant réellement dedans. Enfin, Porto Rico est mise en valeur tout au long de l’album par ses plages que Bad Bunny voit comme un endroit qui se veut festif mais aussi un lieu de calme et de prospérité qui accompagne les portoricains tout au long de leur vie. Cet album représente ainsi un produit 100% portoricain mais ce n’est pas tout.
Bad Bunny s’exprime dans son album en tant que chef de file des revendications politiques de Porto Rico. Pour comprendre les opinions que manifeste le chanteur dans son album, il est important de contextualiser la situation politique de Porto Rico. Les 3,22 millions d’habitants nés à Porto Rico sont des citoyens américains depuis le Jones-Shafroth Act de 1917. Ils peuvent circuler librement dans les 50 autres Etats américains sans passeport et sont protégés par le Bill of Rights des Etats-Unis. Porto Rico est un Etat « associé » des Etats Unis ce qui se traduit par certaines nuances en comparaison aux autres Etats américains. Par exemple, l’intégralité des amendements de la Constitution ne s’applique pas à Porto Rico. Les Portoricains ne paient pas d’impôts fédéraux, mais ils contribuent à la Sécurité sociale, au système Medicare (assurance santé pour les plus de 65 ans) et paient les taxes à l’import et à l’export. La citoyenneté ne leur accorde pas pour autant le droit de vote aux élections nationales. Les Portoricains votent pour les primaires présidentielles uniquement, mais ils n’ont pas de représentants dans le collège électoral. Porto Rico a également un délégué à la Chambre des représentants mais qui ne peut voter qu’en Commission alors que si Porto Rico était un Etat, il devrait avoir 5 représentants à la Chambre et 2 sénateurs. Selon un sondage publié dans le New York Times (chiffres qui peuvent avoir évolué depuis le sondage), seuls 54 % des Américains savent que les habitants de Porto Rico sont des citoyens américains.
Cette ignorance de la situation difficile de l’île de Porto Rico est soulignée dans la chanson TuRISTA où l’artiste donne un sens profond au mot touriste dans sa chanson. Selon lui, les touristes ne voient que les aspects positifs de Porto Rico tout comme une relation passagère qui ne peut partager les douleurs de l’artiste et est seulement présente quand l’artiste est sous son meilleur jour. Ainsi, il confie au TIME en décembre 2024 : « Les touristes viennent ici pour profiter des beaux endroits, puis ils partent et ils n’ont pas à faire face aux problèmes auxquels les Portoricains doivent faire face au jour le jour. ». Cette vision uniquement touristique de Porto Rico est dû à sa situation politique, un Etat situé entre indépendance et soumission aux Etats-Unis. De plus, les politiques et les médias américains tendent à minimiser les problèmes que rencontrent l’île. En septembre 2018, une année après l’ouragan Maria qui a frappé Porto Rico, Donald Trump déclara : « 3 000 personnes ne sont pas mortes dans les deux ouragans ayant frappé Porto Rico. Lorsque j’ai quitté l’île, APRÈS que la tempête a frappé, il y avait entre 6 et 18 morts. Avec le temps qui passe, ça n’a pas augmenté de beaucoup. Et, après une longue période, ils ont commencé à rapporter des chiffres vraiment très élevés, comme 3 000 ». Or, Le rapport de l’université de Washington est arrivé à l’estimation de 2 975 morts en évaluant la surmortalité due à l’ouragan. Le président américain lui-même minimisait donc à l’époque les dégâts de l’ouragan et donc l’aide nécessaire à apporter aux portoricains. 80 % de Portoricains jugent médiocre la réponse du président Trump à l’ouragan Maria (Washington Post-Kaiser Family Foundation).
La chanson la plus engagée de l’album est véritablement LO QUE LE PASO A HAWAii où le chanteur compare les situations politiques de l’Etat d’Hawaii et l’île de Porto Rico. Hawaii est devenu un Etat américain depuis 1959 et Bad Bunny exprime sa volonté de se battre pour qu’il n’arrive pas la même chose à Porto Rico car cela impliquerait des déplacements de population. Il prend l’exemple dans le morceau d’un agriculteur portoricain pleurant car il ne souhaite pas aller à Orlando (ville où l’immigration portoricaine est forte). Il expose donc ici le fait que l’immigration serait forcée si Porto Rico devenait un Etat américain. Cela n’est pas sans fondement quand on sait les messages privés envoyés par l’ex gouverneur de Porto Rico rendus publics par le publiciste Edwin Miranda qui disait que l’ile serait merveilleuse sans portoricains. Benito Antonio Martínez Ocasio exprime sa fierté d’être portoricain en disant qu’il ne faut pas oublier le « le lo lai » qui est un chant traditionnel portoricain, ce chant est ici le symbole de la liberté face à l’impérialisme étatsunien et qu’il faut continuer de lutter pour préserver cette liberté.
Cette fierté est à son paroxysme dans le dernier morceau de l’album LA MuDANZA où il rappelle plusieurs fois qu’il vient de Porto Rico ainsi que toute sa famille et que cela ne changera jamais malgré le fait que des gens soient assassinés pour exhiber le drapeau portoricain. Ceci est une référence directe à la loi 53 de 1948 qui prohibait la possession et l’exhibition publique du drapeau portoricain, il y a donc un devoir de mémoire pour les portoricains mais aussi un devoir de lutte pour la préservation de leur île, de leur identité et de leur culture.
Ainsi pour défendre son album, plutôt que de faire une tournée mondiale, l’artiste a annoncé une résidence de 21 dates sur son île natale, dont les neuf premiers concerts réservés à la population locale. La résidence, intitulée, No me quiero ir de aqui (« je ne veux pas partir d’ici », en français) aura lieu à partir du 11 juillet 2025 et se tiendra au « Coliseo » de San Juan, la capitale de l’île et sa ville natale, une salle d’une capacité de 18 000 spectateurs afin de rappeler que cet album est une lettre d’amour à Porto Rico.
DERAM Kyrian
Sources :
Articles scientifiques :
CELESTINE Audrey, « De la « menace portoricaine » aux mobilisations hispaniques : la trajectoire collective des Boricuas de New York », Revue française d’études américaines, Vol. 124, 2010/2, pp 103- 120
Articles de presse
ANONYME, « Porto Rico : quel statut par rapport aux Etats-Unis ? », Le Monde, 29 septembre 2017. Porto Rico : quel statut par rapport aux Etats-Unis ?
ANONYME, « Trump nie le bilan officiel de l’ouragan Maria à Porto Rico », Courrier International, 14 septembre 2018. États-Unis. Trump nie le bilan officiel de l’ouragan Maria à Porto Rico
BURGA Solcyré, CHOW Andrew R., “‘I Found the Sound That Represents Me’: Bad Bunny On Heartbreak and Returning Home to Puerto Rico With Debí Tirar Más Fotos”, TIME, 5 janvier 2025. Bad Bunny on Championing Puerto Rico on Debí Tirar Más Fotos | TIME
EXPOSITO Suzy, « Review: Fame is a frenemy in Bad Bunny’s ‘Nadie Sabe Lo Que Va a Pasar Mañana’”, Los Angeles Times, 17 octobre 2023. Review: Bad Bunny’s ‘Nadie Sabe Lo Que Va a Pasar Mañana’ – Los Angeles Times
MAINEZ Luis M., “Nadie sabe lo que va pasar a mañana”, Mondo Sonoro, 18 octobre 2023. Bad Bunny, crítica de nadie sabe lo que va a pasar mañana (2023)
SORTO Bryan, “Analisis de «Debí Tirar Más Fotos»: Álbum que captura la esencia de Bad Bunny y su Puerto Rico”, Las Pegaditas, 5 janvier 2025. Analisis de “Debí Tirar Más Fotos”: Álbum que captura la esencia de Bad Bunny y su Puerto Rico – Las Pegaditas