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Pierre de Villiers à l’EDHEC, entre bilan des armées et ode à la jeunesse.

Pierre de Villiers, élève de l’école militaire Saint Cyr, devenu général de l’armée et désormais ancien chef d’Etat-Major, publie en novembre 2017 un livre qu’il intitule Servir. Écrit après sa démission en juillet 2017, cet ouvrage rédigé « avec ses tripes » a pour but premier de transmettre. La jeunesse, la situation de l’armée française, les menaces mondiales actuelles sont autant de sujets abordés dans Servir ainsi qu’à la conférence du lundi 5 mars 2017 à l’EDHEC.

C’est un général calme, posé, et souriant que l’on rencontre en interview. À l’image de son ouvrage. Servir n’est pas un livre de polémique ou de riposte, comme pourrait le laisser penser la vitesse à laquelle il a été écrit et publié – trois mois.

En vérité, Servir était déjà présent depuis longtemps dans ses pensées. Le titre n’est, en effet, pas anodin : au-delà d’expliquer sa démission, Pierre de Villiers entend “servir”, transmettre ses années d’expérience en livrant un bilan de l’état des armées : à quelles menaces doit faire face la France ainsi que le travail qu’elle accomplit au quotidien, et ce, d’une manière la plus pédagogique possible. Car mieux connaître son armée, c’est aussi mieux la comprendre, et donc mieux saisir son importance et la nécessité du budget qui lui est consacré.

UNE ARMÉE EN CRISE ?

La sincérité comme leitmotiv : c’est dans cette optique d’honnêteté que Pierre de Villiers développe sa position quant à l’état actuel de la défense aujourd’hui en France.

Depuis 10 ans, l’armée française vit 30% au-dessus de ses capacités grâce à la disponibilité des troupes, 30 000 soldats postés en permanence. « Il faut arrêter de tirer sur la corde » proteste le général. Le monde est de plus en plus dangereux mais Bercy ne cesse de baisser le budget de l’armée.

Ainsi, les moyens ont déjà été substantiellement diminués et pour Pierre de Villiers, ce n’est pas possible de les réduire plus sauf à prendre le risque de dégrader les conditions de vie et de travail des militaires. L’armée a besoin de nouveaux fonds pour ses équipements et pour assurer la vie quotidienne de ses soldats.

Cependant, au-delà des problématiques financières, l’estime des français envers leur armée est élevée. La popularité des militaires est croissante, ils ont aujourd’hui 85% d’opinions favorables. Pour Pierre de Villers, l’effet “attentats” a amené un changement d’opinion, cette popularité était moindre il y a 20 ans.

LE TOURNANT DE L’UNITÉ : VERS UNE DÉFENSE COMMUNE DE L’EUROPE

 C’est par la force que les terroristes reculeront mais il faut pour cela une stratégie à la fois française et internationale. Face à l’accélération du temps, « le stratège doit penser à long terme ». Pierre de Villiers pose le fait que nous avons besoin d’une Europe de la défense dans le contexte actuel. L’armée met en place des coopérations interétatiques à géométrie variable et sur des projets précis. L’unité est ainsi une condition nécessaire : « Si les pays européens ne sont pas ensemble, nous perdrons ».

Cependant, une Europe de la défense est un concept à nuancer. Le général ne croit pas en une armée européenne nivelée car « on ne meurt pas pour une organisation, on meurt pour sa patrie ». Il faut mettre un peu de flammes dans l’Europe car ce n’est pas avec des normes que l’on amène la paix durable.

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« L’armée met l’homme en colonne vertébrale de son organisation ».

Les valeurs de l’armée sont chères au général. La sincérité est celle qu’il cite toujours en premier « les jeunes tels que je les sens en ont marre de la comédie humaine balzacienne ». La fraternité, le courage et la détermination sont également mises en avant. Dans notre société de « zapping » actuelle, le fait d’inscrire son action dans un temps long est essentiel pour l’homme. « Je suis devenu militaire pour donner un sens à ma vie » conclut en effet le général.

UNE ODE À LA JEUNESSE

Dès les premiers instants de notre rencontre, le Général de Villiers met l’accent, et pas n’importe lequel, sur la jeunesse. “Une belle jeunesse qu’il convient d’aimer”, nous confie-t-il. Ce qui ressort le plus fermement et de la plus belle des manières de notre interview avec cette personnalité chaleureuse et vraie, et de sa conférence, c’est avant tout l’image d’une jeunesse qui doit réaliser à quel point elle a l’avenir devant elle. Pierre de Villiers insiste sur sa volonté de transmettre dans son ouvrage Servir. Mais transmettre, à qui ? A la jeunesse, nous dit-il. Il a écrit ce livre avec ses tripes pour expliquer son engagement et la France d’aujourd’hui mais surtout pour s’adresser à la jeunesse, pour lui envoyer un message d’espoir. Le Général insiste sur l’idée de donner “des pistes pour le bonheur”, bonheur qu’il observe d’ores et déjà chez ces jeunes qu’il connaît bien, à la fois par son expérience familiale mais par-dessus tout à travers son métier de soldat, de chef militaire. Au cours de sa carrière, il explique avoir vu des jeunes, avoir réalisé à quel point ils ont besoin d’engagement, de reconnaissance, de trouver une place dans ce monde bouleversé. Il est rare de rencontrer des personnalités de cette envergure (et de cet âge) être aussi confiant et honnête envers les jeunes. Et cela fait du bien. Il achève notre interview détendu et toujours avec humour, en nous remerciant pour nos questions, notre franchise, valeur à laquelle il tient tant, et notre fraîcheur. Fraîcheur d’une jeunesse qui espère encore et qui se réjouit qu’enfin on lui fasse confiance, qu’enfin elle puisse se projeter et être fière sans toujours être l’oubliée (et la grande muette dirait-on) des grands de ce monde.

Joséphine Boone, Joséphine Coadou, Chloé Volle

Crédits photos : l’Agora EDHEC