On poursuit la semaine sur le climat en explorant aujourd’hui un thème plus léger, l’effondrement de notre civilisation. N’ayez pas peur, ça termine bien!
En 1972, trois chercheurs américains réalisent un modèle informatique qui simule des interactions entre démographie, croissance industrielle, production de nourriture et limites des écosystèmes terrestres. Le but : élaborer des scénarios sur l’avenir de l’humanité. Leur rapport, intitulé « Les limites à la croissance », est sans appel : sauf si elle met fin à la croissance industrielle, l’humanité connaîtra un effondrement autour de 2050.
Cinquante années de croissance plus tard, la « collapsologie » (l’étude de l’effondrement de la société thermo-industrielle) est devenue un terrain de recherche bouillonnant à la croisée entre sciences dures, philosophie, ethnologie, histoire et psychologie. Le terme d’effondrement réveille tout de suite un imaginaire dystopique nourri à grands coups de The walking dead, La route ou encore Mad Max. Mais il s’agit bien de la réalité dont on parle ici, alors mieux vaut rester calme et essayer de comprendre la notion.
L’effondrement est défini comme « le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, mobilité, sécurité) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ». De nombreuses sociétés ont connu des effondrements par le passé : les Mayas ou encore les habitants de l’île de Pâques en sont des exemples. Celui qui guette notre société est lié sans grande surprise à la crise environnementale. C’est l’approche des limites physiques de la terre, couplée au basculement de seuils irréversibles (réchauffement climatique, extinction de la biodiversité,…) le tout dans un contexte de mondialisation (système financier globalisé, chaînes d’approvisionnement internationales,…) qui va provoquer cet effondrement. Une théorie vertigineuse qui soulève de nombreuses interrogations. Quand? Comment? Où?C’est à ces questions que s’efforcent de répondre les chercheurs avec plus ou moins de précision. Pour Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement et fondateur de l’institut Momentum, spécialisé dans la prospective, il faut s’attendre à des bouleversements sans précédents dans la période 2020-2050.
En découvrant le thème de l’effondrement, difficile de rester indemne. La web-série Next, disponible sur Youtube, explore les réactions individuelles face à ce sujet presque tabou, qui bouscule les croyances collectives. Certains choisissent le déni face à ces données, en s’en remettant les yeux fermés aux innovations techniques à venir pour nous sortir d’affaire. D’autres au contraire, y rencontrent une confirmation au sentiment diffus que notre modèle capitaliste repose sur le contrat intenable d’une croissance infinie dans un monde aux ressources finies. Parmi ceux qui optent pour la lucidité, il y a les jeunes adultes. Ceux qui vont faire grève ce vendredi et brandir des pancartes telles que « des études pour vivre d’un métier c’est bien, une planète pour vivre tout court c’est mieux » ou « on rate les cours pour sauver le monde ». Car si la perspective d’un effondrement est vertigineuse pour tout le monde, c’est bien sur les jeunes qu’elle pèse le plus. Certains se reposent des questions élémentaires : pourquoi faire des études ? pourquoi faire des enfants ? D’autres investissent le terrain de l’action directe et de la désobéissance civile. Pour ceux-là, il ne faut plus attendre des politiques qu’ils apportent des solutions à l’intérieur d’un système inapte à penser son auto-destruction.
Les « collapsologues » Pablo Servigne et Raphael Stevens (auteurs du best-seller Comment tout peut s’effondrer, 2015) préconisent un catastrophisme positif et éclairé. En effet, ce n’est pas la fin du monde mais la fin « d’un » monde. La transition à venir est l’occasion de se mettre en action pour renverser les récits et les mythes collectifs et réécrire un futur désirable. « L’effondrement n’est pas la fin mais le début de notre avenir » (Pablo Servigne).