Dimanche dernier avait lieu à Lille le rassemblement en hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire-géo décapité le vendredi 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine. L’acte a été commis par un jeune radicalisé de 18 ans, car l’enseignant avait montré des caricatures du prophète musulman à ses élèves. Retour sur un hommage qui a rassemblé plus d’un millier de personnes, sur une question ayant traversé toute la France sans exception.
Des applaudissements retentissants dans une atmosphère solennelle, sombre, le ciel lourd pesant sur nos têtes, nos épaules, voilà comment s’est déroulé le rassemblement à la mémoire de Samuel Paty le 18 octobre à Lille. On se forme en petits groupes, on écoute les témoignages d’enseignant.e.s venu.e.s de différents horizons dans un même but : soutenir le corps enseignant, et chercher à combattre d’une certaine manière les injustices de ce monde. On ne parle pas beaucoup ; le temps est au recueillement et au respect. On voit apparaître ici et là les têtes de personnalités connues ; Adrien Quatennens, député du Nord, Martine Aubry, maire de Lille ; toutes et tous sont venu.e.s ici pour partager la mémoire d’un homme assassiné, et d’un corps professionnel sous-représenté voire dénigré aujourd’hui. On porte toutes et tous ensemble le devoir de commémoration en ce jour important, et ce ne sont plus des individus rassemblés, mais une entité qui baisse la tête pour penser une fois de plus à Samuel Paty.
Peu de jeunes sont malheureusement présent.e.s sur place ; une immense majorité d’enseignant.e.s sont ici, ainsi que des retraité.e.s qui saluent avec respect un métier qu’ils et elles ont pu connaître. Peu de syndicats également ; si les paroles échangées sont emplies d’un lourd fond politique et polémique qui ont à coeur de s’indigner devant l’horreur de la situation et devant le manque de représentation des différentes valeurs, le temps est au recueillement solennel et au deuil. Viendront après les manifestations et les réclamations populaires pour défendre les droits des enseignant.e.s, ainsi que les revendications religieuses.C’est ainsi que, les yeux posés sur ces gerbes de fleurs, ces mots forts, ces silhouettes de recueillement, on a pu écouter des paroles de personnes venues ici pour penser collectivement à Samuel Paty.
Ainsi tout d’abord, Renaud, professeur d’éco-gestion en lycée et BTS, fait part de son émotion. Il exprime sa tristesse et son bouleversement, mais également avant tout sa colère de voir qu’un collègue puisse se faire assassiner en faisant son métier. Il revient sur la crispation autour du thème de la laïcité en France et regrette le manque d’ouverture d’esprit de certain.e.s, qui se prennent, selon lui, “trop au sérieux”. Pour lui, l’acte est synonyme d’une volonté d’intimidation, et l’on cherche à faire taire les personnes qui abordent des sujets tels que la liberté d’expression. Le professeur fait également part de sa crainte d’une appréhension globale d’aborder ces sujets pour l’ensemble du corps enseignant, en particulier pour les enseignant.e.s d’Éducation Morale et Civique (EMC). Pour lui il faut absolument enseigner la tolérance aux élèves, leur montrer que l’on peut avoir des valeurs différentes de celles des autres.
Nous croisons ensuite un couple, Gérard et Catherine, qui se sentent également touché.e.s par l’événement ; lui est à la retraite d’une carrière d’instituteur, et elle enseigne à l’université de Lille. Ils insistent sur le fait qu’il est primordial d’éduquer davantage les élèves sur ce sujet pour faire avancer les choses.
Par la suite, à 12 et 15 ans, les deux jeunes hommes que nous rencontrons semblent déjà être convaincus que la liberté d’expression est une valeur qu’il faut protéger et garantir. Ils sont présents ici pour apporter leur soutien aux professeurs. Ils se rappellent de certain.es qui les ont marqué, qui ont permis aux élèves de se développer et de grandir. Alors forcément, ils condamnent l’assassinat de Samuel Paty : “Pensez ce que vous voulez et ne décapitez pas”.
Enfin, Marie-Dominique accuse une certaine utilisation que l’on peut avoir d’Internet et plus particulièrement des réseaux sociaux. En effet ces derniers peuvent être des outils formidables mais aussi néfastes dans certaines situations. Selon elle ce sont les réseaux sociaux qui ont permis un acharnement contre le professeur, il y a donc une responsabilité de la part des individus ayant partagé ces messages de haine. Elle évoque finalement le rôle et la part de responsabilité que détiennent les journalistes qui commentent l’actualité à chaud sur les plateaux télé : ils sont tout autant responsables en divulguant parfois des informations qui ne sont pas exactes.
Photographie du lieu de recueillement à Conflans-Sainte-Honorine.
Ainsi, après cet événement poignant et fédérateur ayant rassemblé toute la France et son corps enseignant, il est temps plus que jamais de mettre la lumière sur les problématiques concernant les enseignant.e.s, tout autant que sur celles portant sur le sujet de la laïcité et des revendications religieuses.
Nous pensons à Samuel Paty, et nous dédions cet article à sa mémoire, ainsi qu’à l’ensemble du corps enseignant.
Louna Le Gall et Audrey Canet.