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Douglas Kennedy : le romancier aux multiples vies

Jeudi 21 mars, l’avant-dernier jour du festival Séries Mania, le romancier à succès international Douglas Kennedy nous a accordé de son temps pour un entretien des plus enrichissants. Auteur de Et c’est ainsi que nous vivrons (2023), La Poursuite du bonheur (2001), ou encore  de L’homme qui voulait vivre sa vie (1998), adapté au cinéma en 2010 avec Romain Duris et Catherine Deneuve, Douglas Kennedy a été traduit en plus de 15 langues, il est l’un des auteurs préférés des Français, et a mené une vie riche en expériences qu’il est enthousiaste de partager avec ses lecteurs.

Présentez-vous de la manière dont vous aimeriez que l’on vous présente. Quelles sont les choses que vous voudriez qu’on retienne de vous? Dites nous ce qui vous arrange!

“ Je suis new-yorkais, né à Manhattan et je viens de la classe moyenne, troisième génération new-yorkaise. J’ai vécu en France pendant 24 ans, je parle français. J’ai habité à Berlin donc “Ich spreche deutsch”, j’ai habité 23 ans à Londres et 11 ans à Dublin. Donc je suis quelqu’un d’ici et là. J’écris tous les jours. Un minimum de cinq cents mots, ça fait donc deux pages de word. J’écris deux pages minimum par jour. J’ai publié vingt sept livres, et de temps en temps je me demande comment j’ai fait ça. Peut-être grâce à ces deux pages par jour ? La vérité c’est que quand j’avais neuf ans, j’ai pensé que je voulais devenir un romancier, un écrivain. En fait, je vis ma rêve! Mon rêve, désolé mon rêve!”

Qu’est ce que vous aimez dans le fait d’écrire?

“J’aime raconter des histoires depuis mon enfance, aussi je suis quelqu’un qui est très aventurier, tout le temps. Je suis toujours au milieu des choses et je fais des choses tout le temps. Quand je regarde quelqu’un, immédiatement je vois des vêtements. En fonction du style, des habitudes qu’il exprime, le diable est toujours intelligent. Aussi, de plus en plus, la condition humaine, c’est un grand sujet. Je n’ai jamais fait un roman bâclé, ou quelque chose de vaguement de ma vie : j’utilise tout de ma vie d’une certaine manière. Un de mes thèmes constants, c’est que peut-être la question la plus difficile dans la vie c’est “qu’est ce qu’on veut?” et “pourquoi on créé son propre piège ?”, et ça c’est partout dans la vie.”

Vous avez publié des romans quasiment tous les ans. Vous êtes passés du thriller psychologique aux comédies romantiques. Qu’est ce qui vous inspire? Pourquoi écrivez-vous ce que vous écrivez?

“Je n’ai jamais publié de comédies romantiques, mais des histoires d’amour. Je pense que la plus sérieuse est la dernière histoire d’amour que j’ai écrite : Isabelle, l’après-midi. C’est l’histoire d’une adultère qui dure trente cinq ans. C’est aussi un roman érotique, qui a été un grand changement. C’est aussi un défi : comment on peut écrire le sexe de manière pas stupide. Le truc, mais vous avez raison, c’est que je change tout le temps, je n’ai jamais écrit le même roman. J’ai des thèmes constants partout mais chaque fois, c’est un nouveau défi. Le but de ma vie, c’est d’éviter l’ennui. Peut-être que c’est la raison pour laquelle je bouge tout le temps. Je sors tous les soirs : le cinéma, la musique classique, le jazz, la voile, la danse. Je suis au milieu d’une vie culturelle intense. Je me souviens très très bien d’avant mon divorce, après trois mois à Paris, mon ex-femme m’avait dit  “tu vas arrêter de sortir tous les soirs! Moi je veux les soirées à la maison en face du feu avec un livre” et je lui ai répondu “Ça c’est une carte postale, et il faut que tu trouves un expert-comptable”. Elle a trouvé un notaire. Ce n’est pas mon truc. Honnêtement, j’ai une curiosité immense. Je connais des gens de mon âge, de 69 ans, très très très âgés, et aussi frappés par la vie. Je reste curieux. La curiosité c’est tout, pour éviter les pièges. J’ai dit ça à mes deux enfants de votre génération. Ce n’est pas de demander “qu’est ce que je veux” mais “qu’est ce que je ne veux pas”. Ça c’est plus important. J’ai vécu beaucoup de vies, j’ai deux enfants, j’ai vécu une vie familiale, je suis resté avec ma première femme 25 ans. Une autre chose sur moi, c’est que j’écris partout. Récemment, j’étais au Vietnam pour 3 semaines, j’ai pris un train horrible qui a duré 18 heures, j’avais une cabine avec ma petite amie, mais c’était épouvantable, impossible de dormir : donc j’ai écrit toute la nuit. Ça c’est moi, je peux écrire partout, et j’aime ça.”

Quelle est l’œuvre dont vous êtes le plus fier ? Si il y en a une bien sûr.

“Je n’ai jamais dit que j’avais un roman préféré, c’est dangereux. Parce qu’immédiatement on pense que les autres ne sont pas bons. Je pense que sur 27 livres, il y en a qui sont plus forts que les autres. mais je ne pense pas avoir déjà écrit un échec ou une catastrophe. La vérité, c’est que chaque fois que je commence un livre, c’est un nouveau voyage. Et surtout, ce que j’ai dit pendant ma masterclass, et qui a semblé choquer le public, c’est que même à mon niveau, j’ai des doutes tout le temps. Le doute est un aspect de la condition humaine. Je me demande tout le temps si c’est bon, si ça n’est pas bon. La vérité, c’est que samedi matin, à 3h je prends une voiture vers Roissy, puis un vol vers New York, parce que ma fille qui a 27 ans, Amélia, a une nouvelle pièce de théâtre dont la dernière démonstration est à 15h. J’y serai. Et pourtant je me souviens très bien, il y a quelques années, elle était au milieu de quelque chose, et elle m’a dit “Papa, ce livre est horrible, il est nul”. Je lui ai dit “Écoute, si tu ne termines pas ce roman, tu seras triste, je serai triste, et pour le reste du monde ce sera hurlant”. Elle a terminé le roman. Mais mon point de vue est qu’il faut toujours continuer, c’est un aspect du métier. Une carrière créative, c’est comme ça, des montagnes russes. J’ai connu des succès immenses, et des déceptions. C’est le métier. Et pourtant j’écris toujours beaucoup, parce que j’aime ça.”

Qu’avez-vous pensé de Lille ?

“Oh j’adore Lille ! Même la pluie. J’ai connu ça pendant 23 ans à Londres, donc je connais très bien ce climat. J’avais déjà signé 3-4 fois au Furet du Nord, je suis un grand amateur de culture et d’art et vous avez de belles propositions artistiques ici. Aussi, la ville est magnifique. C’est aussi une ville étudiante, c’est vivant, et ça reste abordable dans un monde où de plus en plus de grandes villes ne sont pas abordables. Honnêtement, c’était un plaisir cette semaine de découvrir la ville, pendant 8 jours, je vais revenir, c’est sûr. “

 

Juliette Gauvin, Lina Melhem.

 

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