Official White House Photo by Joyce N. Boghosian
Du 23 au 30 septembre se tenait l’assemblée générale des Nations Unies, marquée par le discours attendu du Président américain. L’occasion de faire le bilan des tractations diplomatiques d’une Amérique confuse et isolée.
Des contradictions multiples
A la tribune des Nations Unies, Donald Trump est arrivé en retard, comme pour imposer son propre tempo. Son discours était, en effet, très attendu pour ce rendez-vous annuel qui réunit les dirigeants du monde entier pour une semaine. Au programme figuraient nucléaire iranien, Corée du Nord ou encore multilatéralisme. Le président américain n’a pas dérogé à sa ligne protectionniste, allant jusqu’à évoquer une « Amérique plus forte que jamais ». Son discours, néanmoins beaucoup plus retenu que celui de l’année précédente où il promettait de « détruire totalement la Corée du Nord », cache néanmoins nombre de contradictions. En appelant, depuis l’ONU, temple du multilatéralisme, à rejeter « l’idéologie du mondialisme », Donald Trump rompt avec 70 ans de politiques visant à développer la mondialisation et initiées par les États-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. De la même façon, le Président américain a estimé que le respect des souverainetés de chaque État devait être la norme, mais il ne s’est pas privé de dénoncer le « régime corrompu de la République Islamique d’Iran », formule à peine voilée pour obtenir, à terme, la chute de d’Hassan Rohani.
Une vision erronée de la situation iranienne
C’était certainement la charge la plus virulente du président américain. Celui-ci a ciblé le régime iranien, l’accusant de corruption. Dans la foulée, il a annoncé une nouvelle salve de sanctions, prévues pour le mois de novembre, à l’égard d’un régime qui n’apporterait que « le chaos, la mort et la destruction » selon les mots du milliardaire. Cette nouvelle escalade des tensions entre l’Iran et les États-Unis éloigne encore un peu plus la perspective d’un nouvel accord sur le nucléaire iranien ; accord que les États-Unis ont quitté en juin dernier, et que les européens tentent de sauver tant bien que mal. Depuis le rétablissement des sanctions américaines contre les entreprises, y compris étrangères, qui commerceraient avec le régime, la monnaie iranienne a perdu près de 70% de sa valeur et la contestation est de plus en plus forte. La stratégie du président américain apparaît assez claire, ainsi, la pression maximale imposée à l’Iran a pour but d’isoler le régime, faire monter la contestation contre le pouvoir et à terme de déboucher sur son renversement. Une nouvelle fois, l’appréciation de la situation par Donald Trump semble erronée. En cherchant à isoler le régime, le président américain permet surtout de renforcer le nationalisme iranien. Ses critiques contre le régime unifient davantage les habitants contre les sanctions américaines qu’elles ne les divisent.
Un dossier nord-coréen loin d’être réglé
Certes comme s’est exclamé Trump à la tribune de l’ONU, « Les missiles ne volent plus » . Mais malgré ses affirmations, le dossier nord-coréen n’avance pas. La stratégie du locataire de la Maison Blanche, qui consiste à montrer les muscles puis à forcer à négocier, a fait ses preuves sur le dossier coréen, mais il est encore trop tôt pour se prononcer sur une éventuelle sortie de crise. Il a pourtant presque érigé la Corée du Nord en exemple face à l’Iran que le président continue de suspecter de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Cependant, depuis le sommet de Singapour en juin 2018, les relations sont au point mort entre les deux pays. Seul la fermeture d’un site de lancement d’armes nucléaires en Corée du Nord a permis d’entrevoir un léger signe d’apaisement.
Duel à distance avec Macron
Le Président français est monté une heure après à la tribune de l’ONU et a répondu quasiment point par point au président américain. Sans jamais le citer directement, Emmanuel Macron a ciblé Donald Trump en réaffirmant son engagement dans le multilatéralisme et en dénonçant « la loi du plus fort ». Un point de rupture qui contraste avec la bonne entente de façade qui avait marqué le début de leurs mandats respectifs. Celle-ci semble, en effet, avoir été atteinte lorsque le président français a appelé à ne plus signer « d’accords commerciaux avec les puissances qui ne respectent pas l’accord de Paris [sur le climat ndlr] ». Puis, le Président français a insisté, « L’ONU pourrait finir comme la SDN qui l’avait précédée, c’est-à-dire comme un symbole d’impuissance » présentant les limites du nouvel ordre international.
Un isolement qui est donc de plus en plus important
Le Président américain avait également en charge la direction du conseil de sécurité, durant lequel il s’est une nouvelle fois emporté contre le régime iranien. C’est lors de cette seconde réunion que l’isolement américain fut le plus visible. En effet, les partenaires européens de la France, comme le Royaume-Uni, mais aussi la Chine ou encore la Russie ont réaffirmé leur engagement en faveur de l’accord iranien, conclu à Vienne en 2015. La première ministre britannique Theresa May a ainsi confirmé que « [L’accord] demeurait le meilleur moyen d’empêcher l’Iran de développer une arme nucléaire ». A cet isolement diplomatique, s’ajoute également un isolement économique. Le président français l’a rappelé en appelant à ne plus signer d’accords avec les pays ne respectant pas la COP21, mais aussi en opérant un système de contournement des sanctions américaines imposées à l’Iran.
Pour Donald Trump la vision de la puissance est donc celle d’une Amérique seule. Paradoxalement, le président américain a, de nombreuses fois, ramené son discours à sa propre personne et à la capacité des États-Unis à diriger le monde. Or, ses sorties, au sujet des accords de Paris ou encore de la question de l’Iran, ne semblent pas aller dans cette logique de puissance. Le président américain veut, par conséquent, être au centre des tractations diplomatiques, mais il ne prend pas position dans des accords multilatéraux. L’Amérique peut-elle être une puissance si elle est isolée ? D’autres grandes puissances n’étaient pas présentes à l’ONU à commencer par la Chine et surtout la Russie, qui s’inscrivent également dans la même optique de rejet du multilatéralisme. La différence avec les États-Unis est que ces deux puissances proposent des alternatives au multilatéralisme mondial, en s’organisant notamment au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai avec d’autres pays d’Asie centrale, contestent l’ordre international mondial. Ceci montre une nouvelle différence de vision de la politique entre ces trois grands leaders. Donald Trump s’inscrit dans une logique à court terme, en prenant des décisions rapides et peu conventionnelles, tandis que Poutine ou Xi Jinping semblent avoir une vision sur le long terme.
Au début de son discours, vantant ses propres réussites intérieures comme extérieures, Donald Trump a suscité l’hilarité de son audience. Dernier signe d’une Amérique si non isolée, au moins discréditée.
Baptiste COULON