Passer au contenu

Côté Ciné #4 : Chronicle (2012)

Comment en 2012, alors que Marvel commençait à s’installer solidement sur le marché des blockbusters, pouvait-on réinventer le film de super-héros sans perdre de vue un propos qui transcende le simple film d’action ? Josh Trank contourne le problème en signant un teen movie de super-héros qui n’en est en fait pas un.

Côté réalisateur

Josh Trank est un réalisateur et scénariste américain qui grandit à Los Angeles dans les années 1980-90 dans le monde du ciné au travers de son père Richard Trank qui exerce le même noble métier que lui. Après la réalisation de la mini-série Kill Point pour la télévision en 2007, Josh Trank entame sa carrière au cinéma en 2012 par le tour de force qui nous intéresse aujourd’hui : Chronicle.

Côté scénar’

Le concept qui donna naissance au film est assez simple : la fusillade de Columbine, avec des super-pouvoirs. Pour contextualiser, en 1999, deux adolescent du lycée Columbine abattent douze élèves et un professeur. Le concept paraît violent et assez tendu, mais le film dépasse ce postulat, pour proposer une histoire bien différente.    Achat Chronicle en DVD - AlloCiné

Le film s’ouvre donc sur Andrew, un adolescent renfermé, malmené par son père alcoolique et violent, sa mère, gravement malade, et des jeunes de son lycée qui le harcèlent quotidiennement. C’est lors d’une rave party, que lui, son cousin Matt et la super-star du lycée Steve découvrent une grotte mystérieuse et développent des pouvoirs de télékinésie. L’histoire semble classique, pourtant, le choix de démarrer le film sur la vie tourmentée d’Andrew, marque le ton d’un film sombre, réaliste, qui déborde de sincérité. L’objectif de Josh Trank et du scénariste Max Landis, est d’aller au-delà de la simple histoire de super-héros, pour nous montrer qui sont réellement ces jeunes dotés de pouvoirs, tout en questionnant les limites morales de leurs capacités. Le déroulé est simple, efficace, seulement le film prend énormément son temps, sans être lent ou soporifique. Ce temps, permet de caractériser les personnages pour nous faire comprendre le besoin qu’ils ont de rester ensemble, tant par le secret qui les unit, que leurs différences qui les rend complémentaires.Film – Critique] Chronicle de Josh Trank: Jubilatoire et efficace | Rick et PickRick et Pick

 

 

 

C’est bien le mot sincérité qui définit cette histoire: une authenticité folle inondant les dialogues qui font si vrais, une histoire qui monte en intensité à mesure que ses personnages développent leurs pouvoirs. Le tour de force est de faire cohabiter l’élément fantastique des pouvoirs au ton de drame social de l’histoire. Le scénariste Max Landis s’en sort avec les honneurs.

Côté casting

Les acteurs sont la raison principale qui fait que le film fonctionne. Le trio Andrew, Matt, Steve incarné respectivement par Dane DeHann, Alex Russel et Micheal B. Jordan développe une alchimie vraiment impressionnante. Pour l’anecdote les acteurs ont passé deux semaines à vivre ensemble pour se préparer au film afin de livrer une performance caractérisant le réalisme du film. Le choix de ces acteurs est fort puisque Dane DeHann et Micheal B. Jordan exploseront quelques années plus tard dans des films comme Valérian de Luc Besson ou Creed de Ryan Coogler. La direction d’acteur est impeccable et le ton qu’ils adoptent colle parfaitement au texte. Leur manière de discuter et se comporter est finalement la même que beaucoup d’adolescents. Réalisme et sincérité s’accompagnent d’une réalisation qui sait où elle va.

Côté réalisation

Le film est ce qu’on appelle un found footage movie. Popularisé par Le Projet Blair Witch en 1999, le principe est de réaliser un film à la manière d’un documentaire ou les personnages filment eux-mêmes les images que l’on voit. Chaque plan existe dans la diégèse de l’histoire ce qui renforce l’immersion, le réalisme et l’impression que ce que l’on voit s’est réellement passé. C’est Andrew dans le film qui choisit de filmer d’abord sa vie puis de documenter les capacités du trio une fois leurs pouvoirs acquis. Le film utilise donc les codes d’un genre arrivé à bout de souffle un peu plus de dix ans après Blair Witch mais évolue son concept. En effet c’est par le biais des pouvoirs que le style caméra à l’épaule très amateur évolue et adopte une réalisation plus ample qui respire laquelle s’ouvre à style contemplatif, intimiste et maîtrisé.

Dans le film, le personnage qui filme l’action est quasi toujours Andrew. Son besoin de filmer sa routine est un moyen d’exorciser ses angoisses en laissant un témoignage de sa vie. Le film se passe donc de son point de vue; mais la caméra témoigne de son état émotionnel. C’est dans cette dynamique qu’Andrew abandonne littéralement la caméra,parce que symboliquement, il lâche prise, puis, paraît plus heureux et apaisé. Le choix du personnage qui filme dans l’histoire est donc lourd de sens, puisqu’il retranscrit l’état émotionnel de chaque personnage par la réalisation.

L’aspect documentaire renforce donc l’attachement aux personnages et l’immersion. On croit presque aux pouvoirs des personnages malgré des effets spéciaux numériques par toujours au top, dû au budget limité du film. Il n’en demeure pas moins que la réalisation raconte quelque chose, elle n’est pas ici juste fonctionnelle ou illustrative.

Côté recommandation

Chronicle est un film que j’ai connu tôt; je l’ai redécouvert à mesure que je grandissais, me construisant en tant que personne. Si ces personnages m’apparaissent si vivant, c’est parce que leur vie pourrait finalement être celle de n’importe qui (les pouvoirs mis à part). On s’attache à eux, parce qu’on s’identifie à ce qu’ils vivent. Leur parcours est tant celui d’adolescents paumés, que de jeunes adultes plus affirmés. Ainsi, quelque soit votre vécu, je vous encourage à regarder Chronicle, en espérant qu’il vous touchera autant qu’il m’a touché.

La bise.

Tom Boudekhane