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ELECTIONS DU CONSEIL D’ADMINISTRATION – La ZAD : Zone d’Amour et de Dodo

C’est d’un pas décidé qu’ils s’avancent vers la table de la cafétéria où nous avions rendez-vous, tout de noir vêtu.e.s, des cagoules sombres recouvrent la moitié de leur visage qui, malgré cet accoutrement, révèle un sérieux hors norme. Si la ZAD, Zone d’Amour et de Dodo est une nouvelle-née, la dernière liste en date, ses membres ne sont pas pour autant dépourvus de détermination. Ils en auront besoin pour essayer d’agripper ne serait-ce qu’un siège au Conseil d’Administration de Sciences Po Lille : la concurrence est nombreuse et les débats fusent de tous côtés. Les sept membres de la ZAD ont un projet bien précis : faire contrepoids aux autres listes, aux listes comme SUD – Solidaires, Avenir SPL ou même NOUS, qui se veut être une liste clivante. Vous avez sûrement aperçu leur programme tape-à-l’oeil mais complet dans le groupe de la promotion 2023 à maintes reprises. Beaucoup remettent en cause la légitimité de cette liste car ils n’en savent pas beaucoup sur elle et surtout parce que, entre deux jeux de mots et autres promesses qui ne paraissent pas sérieuses de prime abord, la liste intrigue. Les étudiants s’interrogent, se posent des questions : quel est réellement le but de la ZAD ? La liste est-elle sérieuse ? La Manufacture a interrogé deux représentant.e.s de la ZAD, qui assouviront vos interrogations et vous encourageront peut-être à voter pour la ZAD le 22 novembre.

En quelques mots, présentez-nous la liste ZAD.

Notre liste a été créée pour révolutionner l’IEP. Nous avons déjà discuté de cela avec les camarades en Assemblée Générale. La ZAD est un mouvement qui se veut dissident dans une école trop fréquentée par les bourgeois. Nous avons décidé de dire „stop” à cette dictature des bourgeois et de laisser un peu plus la parole aux gens comme nous, aux fils de prolos. On veut „foutre le zbeul”. Ce sera notre arme principale de révolution.

Qu’est ce qui vous démarque des autres listes et qu’est ce que vous avez qu’elles n’ont pas ?

Nous avons de magnifiques écharpes noires (ndlr : montre d’un geste fier l’écharpe qui lui sert de cagoule pour cacher son visage) qui créent un style particulier, du jamais-vu. Ce qui nous caractérise, c’est le fait que nous sommes dissidents, nous refusons de rester sous le joug des bourgeois. Nous sommes également révolutionnaires et nous n’hésiterons pas à nous manifester. Nous ne sommes pas rouges et blancs mais rouges et noirs, c’est en cela que nous sommes si particuliers. Nous défendons tous types de valeurs, nous ne nous limitons pas : valeurs humaines, canines (ndlr : les membres de la ZAD prônent la libération de Praline) et anti-spécistes, tout en étant une liste apartisane. Nous pensons avant tout aux gens et aux animaux au sein de cet IEP comme dans le monde entier. Nous pensons surtout à Praline, qui est un peu notre Che Guevara à nous. Praline est prête à rejoindre la lutte, nous lui avons déjà acheté un collier qui lui sied à merveille.

Diriez-vous que les conditions d’études des élèves à Sciences Po Lille sont si mauvaises que cela, et si oui faut-il opérer des changements profonds ? Lesquels ?

Les conditions d’étude des étudiants de Sciences Po Lille sont altérées pour le pire à cause de l’omniprésence des bourgeois dans l’IEP. Nous aimerions instaurer des quotas, il faudrait au moins 75% de prolétaires et de boursiers dans cette école. Plusieurs critères devraient être mis en place pour être admis au sein de l’Institut : être prolétaire, boursier, venir d’un lycée REP (ndlr : Réseau d’Enseignement Prioritaire, ces lycées se trouvent généralement dans des zones assez défavorisées. Ils obtiennent des subventions de l’État pour améliorer la qualité de l’enseignement dans ces zones et prioriser l’accès à un enseignement de qualité pour tous). L’IEP doit être révolutionné en profondeur pour se muter en véritable institution prolétaire, qui va alors aider à mener une révolution contre certains gouvernements mis en place. Cependant, nous sommes et nous nous revendiquons comme totalement apolitiques (ndlr : cette non-politisation et l’ouverture au monde de la liste se caractérisent par certaines mesures présentes dans le programme, comme celle de créer une brasserie à 8.6 au sein de l’IEP par exemple). Il faut mener une révolution apartisane et apolitique.

Quelles seront vos armes pour convaincre les membres du conseil d’administration lorsqu’une décision qui ne fait pas l’unanimité devra être prise ?

Nous n’hésiterons pas à organiser des blocages si une décision ne fait pas l’unanimité ou si elle nous semble être prise de manière illégitime. Si quelque chose ne va pas, nous répondrons avec des blocages, des barricades, nous envahirons les salles de cours voire nous révolterons au sein de l’administration. C’est le meilleur moyen de se faire entendre dans cet univers un peu trop bourgeois. Si les professeurs ou d’autres membres du Conseil d’Administration tentent de nous réprimer, ils se heurteront aux CRS (ndlr : Comité de Repos et de Sécurité). Bien sûr, comme le dit notre nom de liste, tout cela s’effectuera de manière pacifique, après tout, nous sommes la Zone d’Amour et de Dodo et ces valeurs priment dans toutes nos intentions. En dernier recours, nous dormirons devant l’IEP. Des occupations de salles et d’amphithéâtres seront organisés, des matelas seront installés et nous nous révolterons de cette manière, aussi controversée soit-elle. Tous les révolutionnaires pourront dormir tous ensemble pour montrer leur mécontentement. Et faire l’amour aussi, c’est important.

L’appartenance politique doit-elle jouer un rôle dans la représentation des étudiants ?

Nous sommes apolitiques et apartisans et nous mettons un point d’honneur à rester le plus neutres possibles politiquement. Cependant, la droite ne nous paraît pas être une bonne solution pour réformer l’IEP. Toutes les autres listes sont des listes de droite. On retrouve le centre droit chez SUD, la droite modérée chez NOUS et l’extrême droite chez Avenir SPL… Nous ne nous réclamons d’aucune autre liste, nous sommes totalement indépendants de tous les bourgeois qui se portent candidats au CA. Nous sommes l’ACAB, une Assemblée autogérée, et non aux prises d’une bureaucratie quelle qu’elle soit. Nous sommes „totogérés”.

Estimez-vous que les étudiants de Sciences Po Lille se sentent suffisamment concernés par ce qu’il se passe dans leur école et ce qui est dit au conseil d’administration ? Quels seront vos moyens de mise en avant des enjeux qui se jouent au CA ?

Nous avons une belle équipe derrière nous, qui nous soutient. Les gens paraissent assez politisés pour se rendre compte que la ZAD est la bonne solution pour révolutionner l’IEP. Nous avons déjà récolté plus de „J’aime” sur Facebook que la liste concurrente NOUS (ndlr : celle-ci est apparue une à deux semaines avant la ZAD). Ce nombre élevé veut dire quelque chose : nous sommes sûrement sur la bonne voie pour ces élections du 22 novembre. Les gens semblent facilement prendre conscience que nous avons besoin de lutte, et notamment d’une lutte collective et organisée, que nous prônons dans notre programme.

Que diriez-vous aux derniers indécis pour les convaincre de voter pour votre liste ?

Les listes au Conseil d’Administration sont les mêmes depuis des années, nous avons besoin d’un peu de changement. La ZAD se propose d’incarner ce changement clivant, ce rafraîchissement dont a besoin l’IEP. Nous sommes cette révolution qu’il faut mener au sein de l’IEP. Nous ne sommes pas là pour écouter les jérémiades et autres larmoiements des enfants de bourgeois, nous sommes là pour agir, pour „foutre le zbeul”. Nous nous battrons pour eux, mais aussi parfois contre eux s’il le faut. Nos mesures sont concrètes, complètes et concises, nous irons droit au but. Nous avons un programme qui a été établi avec beaucoup de sérieux et de brio, mais surtout avec beaucoup d’amour. Nous y avons mis tout notre coeur et l’Assemblée Générale était aussi fructueuse que pleine d’amour.

Les représentant.e.s de la ZAD, dans un élan spontané, ont décidé d’avoir le dernier mot dans cette interview en effectuant un geste bien connu des “millenials” : le dab. Cette fin sur une note sucrée signifie-t-elle quelque chose ? Est-elle une preuve que la ZAD s’adresse à tous, petits et grands ? Cette jeune liste peut à la fois faire des dabs et tenir un discours politique engagé dans le but de faire passer un message fort au sein de l’IEP, elle peut se targuer d’être une liste ouverte et accueillante. Si des mots durs comme „révolution” ou „foutre le zbeul” semblent revenir assez souvent dans le programme de la ZAD, il faut se détromper. Loin de prôner la violence, cette liste qui se veut apolitique met en avant un nouveau type de révolte : la révolte pacifique. Leur programme est visible et consultable sur leur page Facebook (ZAD – Zone d’Amour et de Dodo). À vos bulletins de vote et à vos isoloirs, l’IEP a besoin de vous. Votre voix compte.

Mona Sabot