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Conférence de Marlène Schiappa : « Pourquoi ne démissionnez-vous pas ? »

« On n’est pas dans une assemblée de l’UNEF ! » rétorque Marlène Schiappa à l’interpellation d’une étudiante qui l’interrogeait pour le moins explicitement sur son statut : «  Pourquoi ne démissionnez-vous pas ? ». Ambiance presque tendue à Sciences Po Lille lors de la conférence matinale de la secrétaire d’Etat, mardi 8 octobre, venue échanger avec les étudiants lors de son séjour dans le Nord. Décryptage et réactions.

« 117 féminicides, on veut plus que de la com’ ! »

Tout le monde était là, même Praline. Toutefois, une majorité écrasante de femmes pour écouter Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier Ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Si sa conférence ne fût pas aussi longue que son titre de fonction, elle n’en fut pas moins intéressante… et plutôt mouvementée.

Une des banderoles préparée pour accueillir Mme Schiappa. (photo tirée de la page Facebook IEP Mobilisé)

Accueillie d’abord par un comité d’étudiant.e.s à l’entrée de Sciences Po Lille, Marlène Schiappa a tenu a prendre le temps de discuter avec ses opposantes qui portaient de nombreuses causes féministes et en faveur des LGBT+ illustrées par des pancartes : « PMA pour les trans » , « le 3919 ne suffit pas »
Une fois dans l’amphi, les revendications des étudiant.e.s continuaient, avant même que l’invitée puisse débuter son intervention. « On n’est pas dans une assemblée de l’UNEF ! » rétorque alors Marlène Schiappa à l’interpellation d’une étudiante qui l’interrogeait pour le moins explicitement sur son statut :
« Pourquoi ne démissionnez-vous pas ? », anaphore de trois prises de paroles d’étudiant.e.s protestataires. Sur la forme, ces interpellations n’ont pas fait l’unanimité mais sur le fond les critiques semblaient claires et plutôt homogènes : trop de communication de la secrétaire d’Etat mais pas assez de rapidité dans les actes et un manque de budget.

Terrorisme machiste

La conférence-débat ne s’est cependant pas limitée à cette opposition stricte.  Durant un peu plus d’une heure,  Marlène Schiappa s’en est quand même tenue au sujet (La diplomatie féminine et le Grenelle des violences conjugales), semblant relativement à l’aise face à ce climat tendu. Elle a estimé que la France ne devait pas cesser de converser avec les Pays du Golfe brimant les droits des femmes pour justement pouvoir avancer sur ces questions. De plus, « les bracelets anti-rapprochement » ou les « téléphones grave danger » feront l’objet d’un approfondissement pour prévenir les féminicides associés à « un terrorisme machiste » par la membre du gouvernement empruntant l’expression à Dolores Delgado, ministre de la Justice espagnole.

Réactions mitigées

Ainsi, les réactions des divers spectateurs sont mitigées. Catherine Saupin, chargée de mission Egalité de genre à Sciences Po Lille (un poste tout neuf dans l’IEP), ainsi que Cécile Chalmin, directrice des études du premier cycle, jugent globalement cette conférence enrichissante tout en regrettant toutes les deux « qu’il y ait des vrais questions qui n’ont pas été posées ». Au premier chef la relation primordiale avec l’Education Nationale d’après Mme Saupin. Du côté des étudiants, tirer une conclusion générale serait compliquée : deux d’entre eux s’accordaient toutefois sur « l’opportunité que représentait la venue d’une personnalité telle que Marlène Schiappa. »

Mme Schiappa et Mme Saupin écoutent une question d’un étudiant. Photo Lucie Chagneau

A l’inverse, d’autres étudiants ayant partagé leur colère à la secrétaire d’Etat en direct ont surtout retenu ses réponses jugées « méprisantes ». Le comité de mobilisation pointe même une condescendance de l’invitée qui « infantilisait » les interlocuteurs la critiquant. Quant à la forme, la représentante des premières années à la Commission Egalité de l’IEP  estime que le terme de « débat » aurait été plus adapté que « conférence », le public n’ayant pas forcément préparé des questions.

Le budget, leitmotiv de la conférence

Outre un sens subjectif de l’appréciation, la venue d’une élue, souligne par ailleurs Cécile Chalmin, permet d’appréhender « les leviers et les limites de l’action politique » faisant référence là encore à la problématique du budget, récurrente dans les revendications. Marlène Schiappa assure pourtant qu’on lui reproche souvent que le budget pour l’égalité femme-homme soit trop élevé ! Dès lors, la bataille des chiffres a rythmé la conférence : alors qu’une intervention pointait la baisse du budget 2020 pour son secrétaire d’Etat de 25 570 euros, la secrétaire d’Etat réfutait ses accusations, fruit d’un « discours militant mal renseigné » selon elle, puisque le budget transversal de tous les ministères représentera 1.116 milliard l’année prochaine, soit une multiplication par deux ! En fait, des calculs mathématiques habilement utilisés par Marlène Schiappa : si ses chiffres sont justes, on peut tout de même s’interroger sur la prise en compte de certaines sommes qui sont indirectement liées à la lutte à proprement parlé pour l’égalité de genre. Par exemple, des salaires de professeurs représentant 124 millions d’euros sont comptabilisés dans ces 1.116 milliard puisque les enseignants seront amenés à « parler d’égalité aux élèves » .

Bref, la venue de Marlène Schiappa à Sciences Po a surtout été l’occasion de parler de féminisme et cela a forcément bien réussi. L’IEP avec la création de la Commission Egalité de Genre annonce vouloir en faire une cause centrale dans sa politique. Il s’agit désormais d’en dessiner les contours en y intégrant tous les acteurs : « un défi » pour Catherine Saupin, qui a l’ambition de le relever.

Clément Rabu


Image à la Une : crédits : Lucie Chagneau