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Margot Delpierre, journaliste chez Radio France « Les sujets nous emmènent parfois au coin de la rue, parfois très loin »

« Il est bientôt neuf heures tout de suite le journal de la rédaction ». Vous l’avez sûrement entendue sur France culture ces derniers mois : Margot Delpierre, ancienne étudiante de l’ESJ Lille, est journaliste chez Radio France depuis 2015. Entre reportages et présentation des éditions, Margot nous plonge dans l’univers fascinant de la radio.

Margot : Je n’ai pas de poste fixe. J’assure des remplacements pour les différentes antennes (Info, Inter, Culture, Bleu, Mouv’…) parfois à la présentation des journaux, parfois en reportage. Par exemple, je viens de terminer 4 mois de remplacement à la présentation des journaux en matinale sur France Culture, avec Guillaume Erner.

Des journées de travail chargées, mais enrichissantes

M : La journée commence vers 9 heures avec la conférence de rédaction. Le rédacteur en chef et les journalistes se mettent autour de la table pour discuter de l’actualité et des reportages à tourner. Il faut faire des choix et renoncer (ou reporter) certains sujets parce que l’actu est souvent riche et que les équipes de reporters ne sont pas extensibles. Le temps pour les tourner peut varier (de quelques heures à plusieurs jours). Le reporter radio travaille seul la plupart du temps. Mais il peut être accompagné d’un technicien, notamment s’il doit faire des directs. Les sujets nous emmènent parfois au coin de la rue, parfois très loin. Régulièrement, on décline le reportage radio en version web : on rédige un article qu’on publie sur le site de la radio.

Et puis il y a les présentateurs : quand on fait la matinale (c’est un peu le prime time de la radio), on arrive vers 3h du matin pour écouter les sujets qu’ont laissés les reporters, choisir ce qu’on diffusera et dans quel journal. Il faut ensuite tout écrire… et être à l’heure en studio ! Une fois la matinale terminée, on débriefe vers 9 heures en conférence de rédaction, avant d’évoquer le programme de la journée. Et ainsi de suite…

On arrive vers 3h du matin pour écouter les sujets qu’ont laissé les reporters

Où étudiez-vous avant d’intégrer l’ESJ ?

M : J’ai suivi toutes mes études à Lille où j’ai grandi. Après mon bac ES, j’ai fait hypokhâgne et khâgne. Il fallait bac+3 pour pouvoir tenter le concours de l’ESJ Lille, alors j’ai complété avec une L3 de science politique à la fac, et puis à la fin de ma L3 j’ai intégré l’ESJ Lille. Je n’ai pas suivi la prépa égalité des chances et l’Académie ESJ n’existait pas encore (ndlr: parcours avec l’université de Lille qui permet de suivre une licence et d’avoir des cours pour préparer les concours des écoles de journalisme en même temps). Mais je m’étais inscrite la télépréparation que proposait l’ESJ Lille. Il fallait rendre beaucoup de devoirs (par internet) dans un temps imparti. Les correcteurs étaient des journalistes et cela m’a vraiment servi.

Concours après concours

M : J’ai commencé à travailler à Radio France juste après la fin de mes études à l’ESJ Lille. Chaque année, Radio France organise un concours (un Tremplin) pour les étudiants en journalisme en fin de formation, avec des contrats à durée déterminée à la clé. J’ai remporté le 2e prix et je suis entrée par ce biais à Radio France. Je fais depuis 2015 partie de ce qu’on appelle « le planning », c’est-à-dire un groupe de jeunes journalistes pouvant assurer des remplacements n’importe quand et dans n’importe quelle radio du groupe, en présentation ou en reportage notamment. J’ai le plus souvent travaillé à France Info, France Bleu et récemment France Culture.

La radio avant le journalisme

M : Je voulais faire de la radio avant d’être journaliste. Dans ma famille, la radio est très présente à la maison. C’est un beau média qui stimule l’imagination. J’aimais les voix des présentateurs, l’intimité des émissions. Je ne rêvais pas d’être grand reporter, envoyée spéciale au bout du monde, mais d’être derrière le micro en studio. Encore aujourd’hui, je garde une préférence pour la présentation.

L’avantage quand on est journaliste, c’est que les journées ne sont jamais les mêmes. On traite des sujets différents en fonction de l’actu, on apprend tous les jours et on ne s’ennuie pas.

L’avantage quand on est journaliste, c’est que les journées ne sont jamais les mêmes

Un rêve qui se réalise…

M : La radio me faisait rêver depuis l’adolescence. Pendant le lycée, j’ai fait un stage chez France Bleu Nord. Une fois à l’école de journalisme, j’ai multiplié les expériences en allant chez RTL et France Inter. Je crois que j’ai su que c’était le bon métier quand j’ai obtenu le 2e prix du Tremplin Radio France. J’ai été un peu rassurée d’obtenir cette forme de validation, je me suis dit que peut-être je ne faisais pas fausse route. Ce n’était pas forcément facile de trouver seule la confiance en soi pour oser se lancer dans ce métier parfois difficile. Ce prix m’a enlevé quelques doutes, certainement pas tous ! Mais ce sont aussi ces doutes qui maintiennent l’exigence.

… mais un métier précaire

M : La précarité du métier est un inconvénient. Les CDD sont plus courants que les CDI et on sait en sortant d’école que les places seront rares. C’est aussi pour ça qu’être journaliste demande beaucoup de passion et de détermination.

Les qualités d’un bon journaliste ?

M : Être curieux, rigoureux et humble. Evidemment, avoir une bonne maîtrise de l’orthographe. L’écriture et la voix, ça se travaille ensuite. J’ai le sentiment d’avoir énormément appris à l’ESJ et je continue aujourd’hui de repenser à certains conseils des enseignants intervenants, mais rien ne remplace l’expérience du terrain.

Avoir un diplôme d’une des 14 écoles de journalisme reconnues par la profession vous semble-t-il indispensable pour devenir journaliste ?

M : Les avis sont divisés sur la question. Personnellement, je pense que ce n’est pas indispensable mais il semble plus difficile aujourd’hui d’intégrer ce milieu professionnel sans un diplôme d’école reconnue. Les portes de beaucoup de rédactions s’ouvrent plus facilement quand on vient de l’une de ces 14 écoles, d’autant que les emplois sont rares. Autour de moi, la grande majorité de mes collègues sont diplômés d’écoles reconnues. Certains reprochent aux écoles de « formater » les étudiants, d’autres estiment qu’elles ne sont pas assez « professionnalisantes ». Sur ce dernier point, précisons que l’apprentissage se développe de plus en plus.

L’organisation : la clef pour avoir une vie de famille et personnelle

M : A la radio, les journées peuvent être rallongées, notamment lorsqu’on est reporter : on peut très bien passer une journée calme… puis bousculer son programme parce qu’une info tombe à 18 heures. Il faut savoir sacrifier quelques soirées quand c’est nécessaire, mais aussi ne pas partir trop tard quand il n’y a rien en cours. Sinon, on peut se laisser envahir par l’actualité qui ne s’arrête jamais. Avec un peu d’organisation (comme pour beaucoup de professions), il est tout à fait possible d’avoir une vie de famille.

Un conseil pour les journalistes en herbe ?

M : Tentez de multiplier les stages… et si vous n’arrivez pas à en faire, ne paniquez pas ! Je n’en avais fait qu’un au lycée avant d’intégrer l’ESJ Lille. Votre motivation peut être démontrée autrement : créez un blog, un podcast, partagez vos textes, vos photos et vidéos, participez à un média associatif ou étudiant. Vous pouvez aussi contacter des journalistes (beaucoup sont facilement joignables sur Twitter) pour les interroger sur leur parcours et leur quotidien. Cela vous donnera une vision plus concrète du métier et vous n’arriverez pas à l’oral en pensant que Tintin reporter, c’est la vraie vie.

Si vous êtes en pleine préparation des concours, le plus dur est d’être constant. Ne vous arrêtez pas de vous intéresser à l’actualité, car elle va si vite qu’il vous sera difficile de rattraper votre retard. Quand je préparais l’ESJ, je tenais un petit cahier dans lequel je notais les actualités les plus fortes de chaque semaine. Il faut essayer de retenir plus que les gros titres : dans certaines épreuves, on vous testera sur des détails.

Votre motivation peut être démontrée autrement : créez un blog, un podcast, partagez vos textes, vos photos et vidéos, participez à un média associatif ou étudiant

Y a-t-il beaucoup de débouchés en dehors de Paris et la région parisienne ?

M : Bien sûr, il existe des débouchés dans la presse locale. A Radio France, il y a des possibilités de carrière dans les 44 stations du réseau France Bleu.

Quelques liens utiles pour votre orientation :

Marion Galard