La Manufacture publie aujourd’hui le témoignage anonyme d’une réfugiée Afghane. De sa fuite de l’Afghanistan vers l’Iran à son retour à Kaboul pour y obtenir un visa d’étude, elle nous raconte le périple douloureux d’une population marquée par des années de guerre et de rejet.
Mes parents, ma sœur et moi, avons quitté notre pays à cause de la guerre et l’insécurité en Afghanistan. Quand j’étais petite nous nous sommes donc installés dans le pays voisin : l’Iran. C’est un pays qui partage à la fois notre culture et notre langue. L’Iranien est une langue persane très similaire au Dari.
L’Afghanistan est située sur le continent asiatique. Il a deux langues officielles : le Dari et le Pachto. Les habitants de chaque région parlent leurs propres langues, comme le Turkmène, le Balachi, le Nuristan etc. La plupart des gens parlent le Dari tout de même. Après de nombreuses années de guerres et d’insécurité en Afghanistan, son peuple a du migrer vers d’autres pays comme l’Iran.
J’ai vécu en Iran pendant de nombreuses années. J’ai étudié à l’école là-bas. Au départ les étudiants afghans n’avaient pas le droit à l’éducation, qui est pourtant le droit le plus simple et le plus élémentaire pour chaque enfant et adolescent. Ensuite, la coopération des Nations Unies en Iran a permis de discuter de ce droit à l’éducation des enfants afghans avec le gouvernement Iranien. J’ai donc pu aller à l’école et avoir mon baccalauréat avec un document de l’ONU.
Ensuite, j’ai souhaité poursuivre mes études à l’université. Mais les étrangers n’ont pas le droit d’aller en milieu universitaire en Iran, s’ils n’ont pas de visa. Même s’ils habitent en Iran depuis 10 ou 30 ans, le visa est nécessaire.
Les Afghans doivent donc aller à Kaboul pour demander un visa à l’ambassade iranienne de Kaboul. C’est tout un parcours pour pouvoir étudier en Iran si l’on n’est pas Iranien. Le voyage pour aller à Kaboul est très dangereux et certaines familles ne veulent pas que leur enfant y aille. Il faut en effet traverser des zones dominées par les Talibans. A Kaboul, il faut habiter chez des amis ou de la famille en attendant le visa. Beaucoup sont obligés d’habiter dans la périphérie de Kaboul et les nombreuses routes qui mènent à la ville sont contrôlées par les Talibans. On appelle ces routes « Road of Death » car les talibans y font exploser des bombes et des voitures. Ils ont mis en place des postes de contrôle et tuent les passagers des voitures, causant la mort de nombreux civils. Ceux qui traversent ces routes n’ont aucun espoir de rentrer vivant.
Quand j’étais à Kaboul, un terrible attentat a tué beaucoup de jeunes : plus de 85 martyrs et beaucoup de blessés. A l’époque, c’était comme si toute la ville de Kaboul était attristée par la perte de sa jeunesse et de ses proches. Des photographies des martyrs ont été affichées dans les quartiers où ces jeunes habitaient. Chaque personne qui voit ces photos a le cœur qui saigne. C’est d’une tristesse infinie. Ils ont été tués par les kamikazes et leurs corps ont été totalement fragmentés. Les familles ont récupéré les restes et les vêtements comme seuls souvenirs.
C’est un voyage difficile car l’Afghanistan n’a pas de sécurité en raison de la présence des talibans et de l’EI. Comme beaucoup de jeunes filles, mes parents ne voulaient pas que je fasse ce voyage dangereux au début, puis ils ont accepté.
L’Afghanistan a été une terre de guerre et de souffrance pendant de nombreuses années. Pourtant, son peuple est toujours hospitalier et aimable. Les afghans aiment le progrès et la science. Ils sont toujours généreux et persévérants pour avoir une vie heureuse.
Quand j’étais là-bas, à Kaboul, j’ai vu des hommes et des femmes vêtus de costumes traditionnels. Ils travaillaient et faisaient les taxis. Les enfants travaillaient dans les bazars de Kaboul comme vendeurs de foulards et de bijoux. Des cérémonies de mariage avaient lieux chaque semaine dans les luxueuses salles de Kaboul. Il y avait des motos à trois roues : deux personnes peuvent s’assoir derrière le conducteur. C’était la première fois que je montais sur une moto comme celle-ci. Il n’y en a pas à Téhéran. Ce sont de bons souvenirs de Kaboul.
Ce voyage à Kaboul fut doux malgré l’horreur des attentats et je voulais le partager avec vous, lecteurs. Ce fut mon premier voyage dans mon pays natal. De retour en Iran j’ai enfin étudié à l’université. Pour les Afghans, la vie reste très difficile en Iran. Mais il est surtout très difficile de pouvoir en parler.
L’auteur de l’article a choisi de garder l’anonymat