Mardi 12 novembre, l’Arène organisait les débats des listes étudiantes candidates aux élections du Conseil d’Administration. S’engager, Solidaires et Alter’éco ont ainsi pu en partie présenter leur programme, mais surtout, questionner les listes concurrentes sur les leurs, sur leurs votes passés et sur leurs différentes positions. La Manufacture y a assisté, et vous en propose un récapitulatif.
Il n’est pas question de reprendre les éléments de programme, mais d’analyser en légère profondeur et de manière incisive le débat.
Dès la fin de la première partie qui consistait à se présenter, nous avons pu entendre une membre de S’engager exprimer à ses homologues : « Ça annonce la couleur, on va se faire défoncer tout au long du débat ». La liste se met donc dans une position victimaire. Plus tard dans le débat, nous avons pu à nouveau entendre une membre de la liste dire « On va se faire bouffer ». Face à ces déclarations exprimées en privé, nous sommes en droit de nous questionner sur la capacité de S’engager à assumer sa faillibilité : se fait-elle « bouffer » parce qu’elle est face à deux listes gloutonnes ou tout simplement parce qu’elle n’est pas prête et pas assez forte ? Les membres de S’engager se font-ils confiance ?
A l’inverse, de l’autre côté de l’amphithéâtre, la liste de Solidaires étudiant.es semble avoir une confiance en-elle démesurée, puisque ses membres assis.es dans le public multiplient les invectives, se faisant réprimander à juste titre par l’Arène. C’est de son propre fait que la liste perd en crédibilité. Par ses propres applaudissements démesurés, les membres de Solidaires s’ autocensurent : celle.ux s’exprimant devant l’assemblée ne peuvent parler au-dessus du brouhaha créé par celle.ux assis.es sur les bancs. Lorsque le temps de parole est limité, cela est un problème.
Et puis enfin, Alter’éco. Serait-ce l’entre-deux, l’intermédiaire modéré ? En tout cas, la liste ne s’interdit pas l’appropriation du vocable militant, tout en refusant pourtant la confrontation, la dénonçant même. Une de ses membres a repris à sa sauce la célèbre citation de Chico Mendes, militant syndicaliste brésilien défenseur des seringueiros, exprimant : « L’écologie ne se résume pas à du jardinage », quand Mendes disait « L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ». La lutte, terme beaucoup utilisé par Alter’éco tout au long de ce débat, s’approprie donc, mais tout en sachant raison garder. Alter’éco a-t-elle une identité propre, ou ne se construit-elle qu’en tant qu’intermédiaire aux deux autres listes ?
En tout cas, voter Alter’éco, c’est voter pour de la poésie, car cela reviendrait à voter pour « Le Sciences Po Lille de demain, celui qui vous convient ». Le Sciences Po Lille qui vous convient, c’est donc peut être celui où une liste s’abstient de moitié sur un vote quant à la possible venue ou non d’intervenant.es auteur.ices de VSS : « Nous aimons bien diviser nos voix pour mieux représenter la diversité d’opinions ». L’entre-deux, donc, serait-il de ne pas prendre de décision sur les problématiques sujettes à controverse ? Alter’éco craint les dérives qu’aurait engendré cette mesure, et se pose à nouveau en entre-deux fragile.
Pendant ce temps, si S’engager s’est présentée comme une liste écologique, son programme ne présente aucune mesure en ce sens. Questionnée en ce sens par Solidaires, S’engager n’a pas eu grand chose à répondre, si ce n’est que l’année dernière, la liste a permis la mise en place d’un bonus de mobilité douce. Peut-on définir une liste par une seule mesure prise par le passé ? Par ailleurs, la liste s’est exprimée sur les réserves qu’elle a émises quant à l’instauration du congé menstruel : selon la liste, un certificat médical serait nécessaire. C’est une véritable méconnaissance dont fait preuve la liste : les douleurs menstruelles sont loin d’être toujours le fait de problèmes de santé.
Mais une mesure proposée sérieusement vaut-elle mieux que deux motions proposées mais non soumises au vote du CA pour manque de fond ? C’est ce qui a été reproché au syndicat par les deux listes concurrentes quant à ses propositions de motions écologiques l’année dernière. La thématique du manque de sérieux de Solidaires semble donc revenir. Cependant, la liste s’est tristement et discrètement faite moquée par les listes adverses, les motions portant sur des abris à chauves-souris et des bassins à nénuphars, deux mesures pourtant concrètes et faciles à mettre en place. Mais ces deux idées ne semblent pas assez distinguées et fortes. Pourtant selon Alter’éco, « Il n’y a pas de mauvaises mesures en écologie ».
Mais sur la question de la précarité étudiante, Solidaires semble être la seule liste à proposer une véritable réponse avec la déplafonisation de la CAS. Les deux autres ne trouvent-elles pas cette question importante ? S’engager a proposé le remboursement des tests de langue. Les étudiant.es les plus précaires pourront ainsi passer le TOEFL, nous n’avons plus qu’à espérer que les bruits de leur ventre gargouillant ne dérangeront pas leur épreuve orale. S’engager aurait d’ailleurs une présence assez limitée en CAS selon ses deux concurrents.
Alter’éco et Solidaires se retrouvent sur la question des groupes de niveau en langue, bien que les arguments avancés ne soient pas les mêmes. Selon Alter’éco, un groupe fonctionne mieux lorsque les forces et faiblesses travaillent de concours. Pour Solidaires, cela reviendrait à collectiviser les difficultés et à étiqueter les étudiant.es en difficulté.
S’engager et Solidaires veulent toutes deux créer un diplôme qui serait remis à la fin du premier cycle. Pour S’engager, il s’agit d’un Bachelor, un diplôme que l’on retrouve habituellement dans les écoles privées. Cela permettrait à Sciences Po de ne pas perdre de sa prestance en s’associant avec la faculté. Solidaires préfère justement se lier avec l’université en créant un équivalent licence, qui permettrait aux étudiant.es de sortir de l’IEP dès la fin du premier cycle si iels le désirent. Selon S’engager, cette mesure reviendrait à « dissoudre Sciences Po dans la fac’ ». A cette expression, les membres d’Alter’éco assises devant l’assemblée lèvent les yeux au ciel.
Des invectives, des sous-entendus stridents, des paroles coupées… Les débats des listes nous ont plongés dans une atmosphère tendue, pleine de rancœur quant aux différents votes des années passées, et mettant en exergue les défauts de chacune des listes. Vous connaissiez déjà leurs qualités, c’est ce qu’elles mettent le plus en avant, répétant et répétant inlassablement leurs beaux projets, leurs belles victoires.
C’est maintenant en ayant en tête leurs défauts que vous pourrez voter. N’oubliez pas de le faire, les 13 et 14 novembre.
Lou Landgren