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Conférence “Women Matter” à l’EDHEC : quand mixité rime avec performance économique

Et si l’égalité femme/homme en entreprise était synonyme de performance économique ? C’est en tout cas la thèse du rapport-anniversaire des études Women Matter menées par le cabinet de conseil McKinsey. À cette occasion, l’EDHEC a reçu Cécile Kossof, co-autrice du rapport, ainsi que Marie-Christine Maheas, ex-présidente du réseau European Professional Women’s Network et Frédéric Motte, président du MEDEF pour le Nord, afin de discuter du sujet.

Elles représentent 50% de la population mondiale qualifiée pour travailler, et pourtant, les femmes n’occupent que 25% des postes de management, 5% de PDG, et ne sont que 12% à siéger aux comités de direction… Nombreux sont les indicateurs établissant l’inégalité homme/femme en entreprise, souvent déplorée au nom de questions d’éthique et de société. Mais ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que la mixité est également indispensable à la croissance économique et au développement planétaire.

Ces dix dernières années, le cabinet de conseil McKinsey a mené des études intitulées Women Matter sur la diversité des genres en entreprise et publié une vingtaine de rapports, dont l’édition-anniversaire d’octobre dernier fait la synthèse. Leur conclusion ? Si les femmes participaient au marché du travail au même niveau et au même nombre d’heures dans les secteurs les plus productifs, l’économie mondiale pourrait générer 12 000 milliards de dollars supplémentaires d’ici 2025, soit 11% du PIB mondial.

Egalité des genres et performance économique

Le rapport établit en effet que les entreprises ayant le plus de femmes dans leur comité de direction sont en moyenne plus performantes d’un point de vue économique et managérial. Pour en arriver à une telle conclusion, neuf indicateurs de performance organisationnelle ont été retenus (parmi lesquels, l’innovation, la motivation des salariés…) et évalués par 60 000 salarié(e)s d’entreprise. Le constat est sans appel : les entreprises comprenant 3 femmes (soit 30% d’un comité classique) ou plus au sein de leurs instances dirigeantes obtenaient des scores jusqu’à 7 points supérieurs.

Le but ici n’est cependant pas d’affirmer que les femmes font de meilleures dirigeantes, car une surreprésentation féminine se révèlerait également stérile : une étude similaire menée en interne par l’entreprise Sodexo a révélé que les effets de performance survenaient à partir de 40%… mais s’annulaient au-delà de 60. Ce qui fait réellement la performance, c’est la diversité et l’équilibre au sein des comités de direction.

Mais les traumatisés de la statistique savent probablement que corrélation ne veut pas nécessairement dire causalité. Alors, comment expliquer l’impact de la diversité des genres sur les résultats économiques d’une entreprise ? Le rapport invoque comme raison, le fait qu’inclure des femmes apporterait d’autres styles de leadership et des perspectives différentes, permettant ainsi un échange plus riche et de meilleures décisions.

Quelles barrières encore aujourd’hui ?

On entend parfois que les femmes sont moins ambitieuses, manquent de confiance en elles… ce à quoi le rapport répond que le problème vient avant tout de la « culture corporate » : si les femmes manquent de confiance, c’est envers l’environnement dans lequel elles évoluent. Et si le test à main levée pendant la conférence semble contredire les statistiques – les étudiantes se montrant plutôt optimistes quant à leur avenir professionnel, c’est sans doute parce qu’elles ne se sont pas encore confrontées au marché du travail, et heurtées à la culture d’entreprise qui le caractérise. En réalité, 42% des femmes pensent que leur style de leadership n’est pas compatible avec leur environnement. Elles ont le sentiment de « jouer sur le mauvais terrain de jeu » …

… Car leur terrain, ce serait plutôt la maison. Une affirmation anachronique, vous dites ? Pourtant le rapport souligne le « double burden » des femmes qui doivent équilibrer vie familiale et professionnelle, souvent au prix de cette dernière. Ici encore, les chiffres sont sans appel : en moyenne, les femmes consacreraient trois fois plus de temps aux tâches domestiques que les hommes, ce qui réduit leurs chances d’accéder au « top management ». Et il va sans dire que ce « care work » est loin d’être reconnu par la société, qui valorise l’ascension professionnelle et les carrières bien lustrées…

Comment changer les choses ?

Ce n’est pas un scoop, l’égalité salariale homme/femme ne sera pas résolue tout de suite. Néanmoins, le changement est possible, et ce, à trois niveaux. Les gouvernements, d’abord, à l’image de celui de la Suède, qui légifère en faveur d’un congé parental pour les pères. Les entreprises doivent, elles aussi, mettre le pied à l’étrier afin de créer un écosystème inclusif. Cela suppose une motivation réelle de la part des chefs d’entreprise, déclinée sous la forme d’actions concrètes : formations, mentoring, coaching des femmes… Certaines entreprises ont déjà montré l’exemple, en plaçant l’égalité salariale parmi leurs objectifs prioritaires, ou en sollicitant l’engagement des salariés masculins.

Mais ce qu’il est impératif de changer, ce sont les mentalités. Changer les comportements, détruire l’image de leadership masculin, déconstruire un environnement hostile à l’ascension féminine. Et les solutions fleurissent : entre autres, accompagner le congé maternité de programmes de retour au travail pour qu’il ne soit plus pénalisant.

Des arguments économiques pour une égalité qui devrait aller de soi.

A la fin de la conférence, le micro est tendu aux étudiants de l’assistance. L’une d’entre eux questionne le fait de devoir justifier l’égalité salariale homme-femme par un argumentaire économique. Pourquoi cette nécessité de pointer la performance économique pour établir ce qui devrait être naturel ?

On remarque aussi que lors d’un micro-trottoir diffusé avant le débat, les propos sexistes et machistes fusaient, déclenchant quelques rires dans l’assemblée. Mais ces propos auraient-ils suscité les mêmes rires, s’ils avaient été racistes, homophobes ou antisémites ? Il s’agit là certes, d’une anecdote. Mais comment expliquer qu’une telle discrimination – car c’en est une – soit sans cesse décrédibilisée ?

Garance Philippe et Joséphine Coadou

Crédits photo : L’Agora (EDHEC)

Rapport “Women Matter” 2017 : https://www.mckinsey.com/global-themes/gender-equality/women-matter-ten-years-of-insights-on-gender-diversity