Le lac Titicaca se situe à la frontière entre le Pérou et la Bolivie, à 3 800 mètres d’altitude. Avez-vous déjà pensé à traverser 122 kilomètres à la nage ? Personne n’y avait jamais songé. Enfin ça, c’était il y a encore quelques semaines. En effet, le 8 octobre dernier, Théo Curin, 20 ans, annonçait son projet fou sur les réseaux : traverser le Lac Titicaca à la nage.
Qui est Théo Curin ?
Théo Curin est un nageur paralympique, multiple médaillé international. À 6 ans, il a dû se faire amputer des quatre membres suite à une méningite bactérienne. Mais au lieu de se laisser abattre, il a appliqué un principe jusqu’à en faire un message fort : « Fais de ta différence une force ! ». Quand certains cherchent la tranquillité, lui cherche des défis. Début septembre, il s’est ainsi lancé à l’assaut de l’Ironman 70.3 des Sables-d’Olonne (1,9 kilomètres de natation, 90 kilomètres de vélo, 21 kilomètres de course à pied) et est devenu le premier quadri-amputé à franchir la ligne d’arrivée d’une telle épreuve. Il s’engage également pour faire changer le regard des gens sur le handicap, en réalisant des interventions dans les établissements scolaires, en devenant l’égérie de marques mondialement connues, etc.
Des conditions extrêmes
L’objectif de ce défi : parcourir 122 kilomètres à la nage en totale autonomie. Pour rester sur l’eau, il aura à disposition un radeau, construit spécialement pour l’occasion, qui lui permettra de manger et de se reposer. Au-delà de cela, il lui faudra affronter les conditions naturelles du milieu. En effet, produire un effort en altitude ne demande pas la même énergie. L’oxygène y est plus rare. Il faut donc adapter l’organisme à produire plus de globules blancs. De plus, l’eau est à 10°C. Même équipé d’une combinaison, une eau à cette température vous coupe le souffle lorsque vous y entrez. Ce défi devrait prendre une semaine et demi, à raison de 6 à 8 heures de natation par jour. Une préparation est donc nécessaire et pour cela, Théo et ses compagnons d’aventure ont encore un an pour se préparer.
Une équipe de choc
Le jeune homme a décidé de vivre cette expérience à trois. Il sera accompagné d’une ancienne nageuse, Malia Metella, et d’un éco-aventurier, Matthieu Witvoet. À 38 ans, la vice championne olympique de 2004, originaire de Guyane, n’a pas hésité à relever ce nouveau défi. Pour Matthieu Witvoet, 26 ans, passionné de sport d’endurance, il s’agira d’une nouvelle action dans son combat contre la pollution. Ils ne seront pas de trop pour tracter le radeau qui devrait faire une centaine de kilos. Ils s’entraineront en eau libre, effectueront des stages en altitude et des stages de survie tout au long de l’année. Ils seront encadrés par Bilal Bourazza qui assurera la préparation mentale et physique, ainsi que par Stéphane Lecat, ancien nageur d’eau libre et actuel directeur de cette discipline. Un an, cela peut sembler long, mais c’est nécessaire pour réussir au mieux ce challenge.
Des messages à faire passer
Derrière ce défi sportif, le trio souhaite également faire passer des messages. Le premier est un message d’espoir. Montrer qu’il est possible de réaliser ses rêves. Malia Metella a « à cœur de montrer que tout est possible, même pour une femme… » (propos recueilli par France 1 Guyane). Quant à Théo Curin, il veut montrer que le handicap n’est pas forcément une barrière dans la vie.
Deuxièmement, cette expédition se veut respectueuse de l’environnement dans un milieu de plus en plus pollué. En effet, les habitants de cette région voient la qualité de l’eau du lac se détériorer. Il est de plus en plus difficile de vivre de la pêche et de l’agriculture à cause de l’eau polluée. Cette dernière n’est pas sans risque pour la santé des habitants, pour qui le lac Titicaca est une ressource essentielle. C’est pour cela que le radeau sera construit avec des matériaux recyclés et recyclables et que le stock de nourriture sera en vrac, et non lyophilisé, pour éviter l’utilisation de plastique. Travaillant dans l’économie circulaire, Matthieu Witvoet sera un atout précieux pour limiter l’impact environnemental de cette expédition.
Ce défi, Théo Curin le réalise aussi à la place de participer au JO de Tokyo 2021. Il veut alerter le comité paralympique sur un système de classification des handicaps qu’il juge inéquitable. En effet, il se trouve dans la catégorie S5 qui regroupe aussi bien les amputés des membres inférieurs possédant leurs mains que les quadri-amputés. Dès lors, les quadri-amputés n’ont aucune chance de rivaliser pour une médaille.
Les trois aventuriers partiront pour le lac Titicaca en novembre 2021, avec l’idée de réaliser un rêve mais également de transmettre des messages d’espoir à tous : femmes, hommes, handicapés, amis de l’environnement, amateurs de sport, minorités et bien d’autres encore.
Judith Deck-Schegg