Anne Hidalgo, la maire de Paris, a officiellement été investie candidate du Parti Socialiste ce samedi 23 octobre à Lille. Décryptage d’une convention à l’allure d’un premier grand meeting, et entretiens exclusifs avec Patrick Kanner et Olivier Faure. Cet évènement, qui a réuni 1700 personnes, sera aussi l’occasion de faire l’état du militantisme dans notre grande école. Comment les étudiants engagés perçoivent-ils la candidature d’Anne Hidalgo ? Quelles solutions préconisent-ils face à la crise démocratique ? Nous avons échangé avec certains d’entre eux.
C’était à quelques centaines de mètres de notre établissement, à l’Auditorium Vauban du Grand Palais, que la maire de Paris, Anne Hidalgo, lançait ce samedi après-midi sa campagne présidentielle. Un lancement ? Plutôt un relancement, d’une campagne dont le point de départ fût donné à Rouen le 12 septembre 2021 mais qui n’avait pas su enregistrer la dynamique souhaitée : le contenu du programme était objectivement inaudible et la victoire de Yannick Jadot, dont l’électorat se rapproche sinon se confond avec celui de l’édile parisienne, en sont peut-être les causes.
Au centre de son programme : la Santé, l’École et l’Égalité entre les Femmes et les Hommes.
D’ailleurs, ni Yannick Jadot ni Arnaud Montebourg, ni Jean-Luc Mélenchon ou Fabien Roussel n’ont été mentionnés lors des discours successifs. Le mot « rassemblement » n’a pas été une seule fois cité. La convention, organisée par le Parti Socialiste, a été l’occasion pour Anne Hidalgo de dévoiler les axes centraux de sa candidature et d’égrainer ses premières grandes mesures une fois arrivée au pouvoir. Pour le pilier de la santé, la candidate socialiste assure que la « grande cause de [s]on quinquennat sera la santé mentale », qu’elle portera la voix d’un « service public de la petite-enfance » et défendra « le droit à mourir dans la dignité ». Le second axe de sa campagne sera l’École : le métier de professeur « sera mieux considéré » promet-elle, et souhaite par ailleurs que « les salaires des nouveaux professeurs soient au niveau du salaire moyen des Bac +5 ». Aussi, Anne Hidalgo veut « abroger ParcourSup », avant d’être ovationnée par les 1700 spectateurs de la salle. Troisième axe de sa campagne : l’égalité entre les Femmes et les Hommes en France, qui passera par « l’assurance du droit à la contraception et à l’IVG sur l’ensemble du territoire national ». Sa toute première loi sera d’ailleurs, promet-elle, la « revalorisation des salaires des métiers principalement occupés par une majorité de femmes ».
Quatrième pilier de sa candidature : la modernisation des institutions de la Cinquième République. L’édile de Paris veut « garantir l’indépendance de la justice (…) et transformer le CESE en troisième chambre parlementaire ». Autre grande annonce : son souhait de l’abaissement du Droit de Vote à l’âge de 16 ans. Pas d’ovation cette fois, mais de nombreux remous au sein de l’auditoire : l’annonce ne semble pas faire l’unanimité. Aucune personne présente dans l’auditorium n’a par ailleurs ignoré la référence au ministre de l’Intérieur actuel, Gérald Darmanin, lorsqu’Anne Hidalgo a clairement énoncé « qu’un Ministre mis en cause, ou pire, renvoyé devant le tribunal correctionnel, devra démissionner ». Enfin, cinquième et dernier axe de sa candidature, les affaires internationales : la candidate socialiste « ne veut pas se résoudre à une perte d’influence de la France en Europe, dans le Monde jusqu’au Pacifique (…) il faut se faire de la France dans le monde une très haute idée » a-t-elle déclaré, faisant référence, bien entendu, à la récente crise diplomatique entre les États-Unis et la France.
« J’aime trop mon pays pour être nationaliste »
Au-delà des idées et de ses projets politiques, économiques et sociaux, A. Hidalgo a aussi énoncé sa conception de la France et de l’identité des Français. Selon elle, « il est grand temps que le gouvernement de la France ressemble aux Françaises et aux Français ». Elle ajoute que « certains, par haine viscérale des immigrés, oublient de mentionner parmi les grandes figures de notre pays Léon Gambetta, Marie Curie, Émile Zola. C’est un récit falsifié qui les arrange, mais cette France qu’ils invoquent n’a jamais existé ». Elle poursuit en citant Albert Camus : « La France, c’est une destinée collective. J’aime trop mon pays pour être nationaliste ». Avant de conclure son discours comme-ceci : « Je serai la Présidente de la France métissée, rassemblée car respectée. C’est l’Union qui fait la France ! ».
La Manufacture a pu poser quelques questions à Patrick Kanner, Sénateur du Nord et Président des Sénateurs Socialistes, et Olivier Faure, Secrétaire National du Parti Socialiste.
La Manufacture : Regrettez-vous l’absence de Stéphane Le Foll ?
Patrick Kanner : Je n’ai pas à la juger. Mais la primaire était ouverte, les règles du jeu connues de tous : il y a un gagnant et un perdant. En 2011, lorsque François Hollande est arrivé devant Martine Aubry, la maire de Lille a déclaré se ranger derrière le candidat socialiste. Ce n’est pas le cas cette année.
La Manufacture : Pensez-vous qu’elle ira jusqu’au bout ?
Patrick Kanner : Plus qu’une conviction, c’est une certitude : elle ira jusqu’au bout.
La Manufacture : Anne Hidalgo est investie candidate du Parti Socialiste dans un contexte de multiplication de candidature à gauche. Cherchez-vous à vous rassembler avec Y. Jadot, A. Montebourg, etc. ?
Olivier Faure : Je leur parle tout le temps, je les vois tout le temps… mais il y a un refus permanent. Rien n’avance, alors ce seront les Français qui trancheront, dans les urnes, en Avril.
En pleine année électorale, de nombreux étudiants de Sciences Po Lille engagés dans un mouvement de jeunesse d’un parti politique défendent le projet du candidat qu’ils souhaitent voir entrer à l’Élysée au mois de mai prochain. Lancement ou poursuite d’un militantisme politique pour plusieurs étudiants avec une échéance connue de tous : l’élection présidentielle. Cette campagne a une saveur particulière, s’inscrivant dans une année où les échanges et les rencontres se font désormais principalement en « présentiel », une première depuis deux ans. Rémi Boussemart, étudiant en 4e année, est l’animateur fédéral du Mouvement des Jeunes Socialistes de la Fédération Nord. Un statut qui impose des responsabilités et de la détermination et qu’il faut conjuguer avec les études : « Je travaille en lien avec le niveau national dans le fonctionnement de l’organisation, je tisse les liens entre les adhérents et je suis sur le terrain (…) Cela demande du temps mais c’est compatible avec les études dès lors que l’on est organisé ! Il faut savoir séparer le temps militant du temps d’étude, et ne pas les mélanger au risque de ne plus s’y retrouver ». Joachim, étudiant en 2e année et adhérent chez les Jeunes Républicains, établit un constat sévère contre la candidate socialiste : « Elle tente de faire illusion avec quelques mesurettes démagogiques comme le droit de vote à 16 ans, la fin de ParcourSup ou le doublement du salaire des professeurs mais elle ne s’adresse pas à la France périphérique, celle qui subit le déclassement et doit prendre sa voiture pour aller travailler ».
Anne Hidalgo investie candidate du Parti Socialiste à l’élection présidentielle, c’est l’occasion de faire un point sur les associations politiques de l’IEP. Elles sont au nombre de cinq : Avenir SPL (a partisane), Sud Solidaires Étudiant.e.s (« syndicat étudiant de lutte et de transformation sociale »), Alter’Eco (liste sociale). Les deux dernières soutiennent explicitement une candidature à la présidentielle : Les Paliens En Marche (Emmanuel Macron) et France Insoumise Sciences Po Lille (Jean-Luc Mélenchon). Nous avons interrogé les animateurs de ces deux associations partisanes, à propos, notamment, de la candidature d’Anne Hidalgo et de leur conception du militantisme à l’aube de la campagne présidentielle.
La Manufacture : Ton association va-t-elle militer dans le cadre de l’élection présidentielle ? Si oui, pour soutenir un candidat ou des idées en particulier ?
Yanis Ben Slimene, animateur du comité « Les Paliens en Marche » : L’association En Marche SPL a vocation à prendre pleinement part aux prochaines échéances électorales, en rassemblant des étudiants résolument progressistes. Il s’agira évidemment de soutenir la campagne du Président de la République en promouvant le bilan de la majorité présidentielle et en donnant envie à la jeunesse. Les étudiants ont vu leur pouvoir d’achat augmenter grâce à la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante et la gratuité des protections périodiques. Pendant la crise, le gouvernement a accompagné les étudiants à travers les repas à 1€ et la garantie jeune universelle. L’opposition tente d’exister à travers la désinformation, mais Macron est bien le Président des jeunes !
Jean-François Collec, animateur des Jeunes Insoumis de Sciences Po Lille : La France Insoumise de Sciences Po Lille a pour objectif depuis plusieurs années déjà de permettre aux sympathisants du mouvement de militer au sein de l’IEP. Cette année, nous allons bien sur agir pour soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, en organisant des conférences avec des figures du mouvement, en tenant des tables en cafétéria, ou en tractant, comme nous avons déjà commencé à le faire.
La Manufacture : Anne Hidalgo a été investie candidate du Parti Socialiste ce samedi. Comment se positionne ton association par rapport au projet « de République sociale et écologique » de la candidate socialiste ?
Yanis Ben Slimene : L’investiture d’Anne Hidalgo est un non-évènement qui ne parvient même pas à rassembler sa famille politique. Notre association se concentre avant tout sur les idées ; or comme le disait la semaine dernière François Hollande cela fait 4 ans que son parti ne travaille plus sur le fond. La candidature de la maire de Paris relève d’une candidature par défaut et irrespectueuse pour les Parisiens qui lui ont fait confiance. Personne ne peut prétendre au monopole de la « République sociale et écologique ». Pour la candidate socialiste, un jour il faut augmenter les taxes sur le carburant, l’autre jour surtout pas. Il faut se projeter au-delà des clivages partisans si on veut être crédible face aux enjeux climatiques. Pour autant, la transition écologique ne doit pas se faire au détriment du pouvoir d’achat des Français. C’est aussi à l’échelle européenne que nous devons agir, par exemple à travers le Green New Deal.
Jean-François Collec : Anne Hidalgo s’inscrit dans la continuité du Parti Socialiste de ces dernières années. Elle a dit elle-même ce week-end se placer en héritière des combats de François Hollande. De quel combat parle-t-elle ? Du combat contre le code du travail, avec la Loi el Khomri ? Du combat sur les thèmes de l’extrême-droite, avec la proposition de déchéance de nationalité ? Par ailleurs, Anne Hidalgo donne l’impression de faire des propositions démagogiques pour séduire un électorat qui ne s’intéresse pas à elle. Elle propose de doubler le salaire de tous les enseignants, sans expliquer comment elle veut financer cette mesure. Ce sont pourtant ses amis qui lorsqu’ils étaient au pouvoir, ont gelé le point d’indice des fonctionnaires.
La Manufacture : Nous rentrerons dans les prochains mois au cœur d’une campagne dans un pays qui connaît une crise démocratique (record d’abstention), une société plus que jamais clivée et ouverte à l’extrême-droite. Quelles solutions préconisez-vous face à ce constat ?
Yanis Ben Slimene : L’abstention est un problème démocratique majeur qui s’est encore aggravé avec la crise sanitaire. Si une partie des électeurs ne se rend plus aux urnes, c’est que la qualité du débat et de l’offre politique touche souvent le fond. Nos concitoyens ne sont pas obsédés par l’ombre d’un hypothétique « grand remplacement », ni par les tendances « wokes » importées de pays en quête d’identité qui portent atteinte à l’universalisme républicain. Arrêtons d’agiter les haines et proposons une offre politique crédible qui parlera à tous les Français.
Jean-François Collec : Les solutions que nous préconisions sont celles de l’Avenir en Commun, le programme défendu en octobre par Jean-Luc Mélenchon. Nous proposons d’abord, pour répondre à la grève des urnes pratiquée par les classes populaires de ce pays, d’en finir avec la Ve République, en convoquant une Assemblée constituante pour que le peuple écrive lui-même les règles du débat démocratique. Nous souhaitons également une loi d’urgence sociale, pour sortir de la pauvreté les 12 millions de français confrontés à cette situation. Il faut augmenter le salaire minimum net à 1400 euros par mois, décréter une année blanche pour le CAC 40, rendre gratuits les premiers mètres cubes d’eau, abaisser l’âge de la retraite à 60 ans, et envisager un passage aux 32 heures de travail par semaine. Enfin, nous voulons engager la planification écologique, pour préparer notre pays au désastre climatique qui se prépare, et passer aux 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050. Les délires racistes d’Éric Zemmour et de Marine le Pen ne servent qu’à faire diversion face à ces sujets.
Ainsi donc, la convention d’investiture d’Anne Hidalgo, à Lille, signe le début d’une longue campagne présidentielle. Les Jeunes Mélenchonistes, Macronistes, sociaux-démocrates ou bien les différents syndicats animeront le débat démocratique et politique au sein même de l’Institut d’Études politiques de Lille. La Manufacture s’inscrira pleinement dans ce cadre en confrontant les idées et les différentes voix politiques et syndicales, pour que vivent les libertés sacrées d’opinion et d’expression ainsi que le pluralisme d’idées. Et compter, par ailleurs, s’élever vis-à-vis du débat public national dont le niveau s’est dangereusement abaissé ces dernières semaines.
Propos recueillis par Enzo Caillaud-Coz
Dommage qu’on ai pas demandé l’avis des Jeunes Écologistes de Sciences Po Lille sur la question – alors que notre candidat est cité plusieurs fois dans l’article 🙂
Bonjour,
Je m’étais basé sur les associations politiques de l’IEP de Lille référencées sur le site internet de l’école, et les Jeunes Écologistes de Sciences Po Lille n’y figuraient pas !
Bien entendu, à compter du prochain article politique où je partagerai la réaction des étudiants engagés, je prendrai en compte l’avis des Jeunes Écologistes.
Bien à toi,
Enzo CAILLAUD-COZ
Pas de souci, désolé je me rends compte que mon message était un peu sec ! Très bon article sinon, merci beaucoup 🙂
Il n’y a aucun problème, tu étais évidemment en droit de questionner l’absence du mouvement politique auquel tu appartiens !
Je te remercie pour ton compliment, et n’hésite pas à me contacter pour que je puisse facilement faire de même lorsque je rédigerai un nouvel article !