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Tout savoir sur les Paradise Papers

Depuis maintenant deux semaines, les Paradise Papers font la une de l’actualité. Après les Panama Papers dévoilés l’année dernière, c’est au tour de l’optimisation fiscale massive d’être dévoilée. Décryptage.

Les Paradise Papers, qu’est-ce que c’est ?

Les Paradise Papers, ce sont 13,5 millions de documents confidentiels dévoilés en novembre 2017 par la ICIJ, le Consortium des journalistes d’investigation. A ne pas confondre avec les Panama Papers, révélés en 2016, qui concernaient les milliards de la fraude fiscale dans le monde.

Ici, on parle de 350 milliards perdus dans les enchevêtrements de la fiscalité mondiale, et ce en toute légalité. En effet, les quelques 120 personnalités et chefs d’Etats et les multinationales concernés par la révélation de ces dossiers d’optimisation fiscale agissent depuis des décennies en toute légalité. Elles font pourtant perdre tous les ans des milliards d’euros aux pays dans lesquels ils exercent leurs activités en échappant notamment aux impôts et à la TVA. Dans un contexte économique d’austérité dans encore beaucoup de pays, les Paradise Papers donnent tranquillement l’envie de se révolter contre ces personnalités parmi les plus riches de la planète qui cherchent à le devenir plus encore en frôlant l’illégalité.

En effet, il s’agit en fait de placements financiers dans des sociétés « offshore », c’est-à-dire à l’étranger, le plus souvent dans des paradis fiscaux plus ou moins connus, bénéficiant d’une fiscalité avantageuse voire inexistante.

Qui est concerné ?

Les millions de documents dévoilés sont issus principalement de deux cabinets de conseil financiers, Appleby et Asiaciti Trust. Leur objet ? Conseiller les grandes fortunes de manière à minimiser les pertes liées aux impôts et taxes par de subtiles manipulations financières.

Parmi les personnalités mises en cause dans les dossiers, on retrouve la Reine Elizabeth II, qui posséderait 11 millions de livres cachées dans des sociétés aux Iles Caïmans et dans les Bermudes, ainsi que son fils le Prince Charles. Un vrai scandale pour les Britanniques. On peut également citer parmi les personnalités politiques le trésorier du parti libéral canadien, proche de Justin Trudeau, propriétaire de plusieurs contrats offshore; ou encore le secrétaire au commerce de Trump, Wilbur Ross, propriétaire d’une grande partie des parts d’une société d’un proche de Vladimir Poutine.

Concernant les personnalités non politiques, la chanteuse Shakira, domiciliée aux Bahamas, déclare une grande partie de ses droits d’auteur à Malte; le coureur automobile Lewis Hamilton a acheté son jet privé sans TVA grâce à un subtil jeu d’optimisation; ainsi que le chanteur Bono, leader du groupe U2.

Parmi les multinationales citées dans le dossier, on retrouve les grandes habituées des manipulations financières Nike, Twitter, Apple et Facebook, qui ont déclaré une partie de leur propriété intellectuelle dans des paradis fiscaux, évitant ainsi toute taxe ; nouveaux sur la liste des évadés fiscaux, ou presque, Whirlpool, Dassault, Total ou encore Engie.

Bernard Arnault, président du groupe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy), première fortune de France, posséderait quant à lui plusieurs fonds d’investissements défiscalisés ainsi que deux yachts au large de l’Angleterre. Visiblement, il n’était toujours pas assez riche. Une fois cette révélation faite par Le Monde, le groupe LVMH a annulé tout accord publicitaire avec le quotidien.

Le scandale de l’Ile de Man

Quels sont les paradis fiscaux cités dans les Paradise Papers ? Pour la plupart, ils sont bien connus : il s’agit des Bermudes, des îles Caïmans, de l’île Maurice, ou encore des Bahamas …

Mais la réelle nouveauté dans les révélations des Panama Papers est l’existence de paradis fiscaux en plein cœur de l’Europe. C’est le cas en particulier de la petite île de Man, située au large de l’Angleterre. Sur cette île de seulement 85 000 habitants, on constate l’une des plus grandes concentrations de jets privés au monde. L’avantage ? Pas de TVA à l’achat et pas de taxe des bénéfices des entreprises au-delà de 125 000 euros. En clair, une vraie manne pour les entreprises et les personnalités qui ne souhaitent pas voyager parmi la foule. Dès lors, on constate qu’échapper à l’impôt et aux taxes est monnaie courante aujourd’hui et, qui plus est,  c’est un véritable jeu d’enfant.

Quelles mesures contre l’optimisation fiscale ?

Nous l’avons dit, toutes ces manipulations sont faites en toute légalité dans la mesure où elles ne constituent pas une fraude à proprement parler. Cependant, il est possible de lutter contre l’optimisation fiscale. C’est ainsi que l’Union européenne a décidé de mettre en place une « liste noire des paradis fiscaux », menaçant d’exclure les Etats cités des fonds européens s’ils ne modifient pas leur législation.

Mais très peu de personnalités politiques se sont prononcées sur l’affaire. La répression de l’optimisation fiscale n’est visiblement pas a priorité des dirigeants actuels français et européens.

Plusieurs agences se sont mobilisées pour proposer des mesures à prendre face à ce phénomène inquiétant et révoltant pour la population, ce qui est le cas de la société Oxfam (http://www.oxfamfrance.org/communique-presse/justice-fiscale/paradise-papers-cinq-mesures-politiques-pour-que-scandale-soit).

Quel avenir pour le journalisme d’investigation ?

Ce que l’on peut trouver de rassurant dans cette affaire est le rôle efficace des dizaines de journalistes qui ont travaillé sur ce dossier. Découverte il y a un an par un journal allemand (le Süddeutsche Zeitung), cette affaire a été rapidement étudiée par un réseau de quelques 400 journalistes à travers 60 pays donc le Monde et France Inter. La ICIJ, déjà à l’origine de la révélation des Panama Papers, a probablement de longs jours devant elle, de même que le journalisme d’investigation.

Joséphine Boone