En ce début d’année, La Manufacture entreprend un projet des plus dantesques : vous faire aimer la poésie. Première étape : planter le décor
Allongé sous un ciel de nuit, océan aérien
Mes yeux se perdent dans l’infinité bleutée
Nuances et éclats de ce tout qui n’est rien
Sinon un aperçu de l’immensité
Pont invisible menant à l’indicible.
Monologue surtravaillé de l’universel
Intarissable source d’inspiration paisible
Une perfection pastel
Bleu nuage,
Bleu scintillant,
Bleu nuit, cette matière dont sont fait les songes
Bleu satiné, qui illumine et rassure, comme une caresse légère sur le visage d’un nouveau-né assoupi.
Des teintes bleutées, que jamais aucun peintre, jamais aucune caméra, jamais aucune symphonie, jamais aucun mot ne sauront décrire
Allez arrête moi ça !
C’est encore un poème qui rime à rien. La poésie n’orne plus que les étagères poussiéreuses de librairies peu fréquentées.
De toute façon, il n’y a plus rien de poétique ici. Que des chantiers, des déchets, des câbles électriques, partout, la pollution de notre monde défait.
Qu’est-ce qu’il faut faire alors ?
Laisser nos sourires disparaître, et dépités, regarder notre monde se défaire un peu plus chaque jour ?
Se presser voir l’avant première de l’apocalypse au ciné ?
Laisser les têtes de gondoles aux dystopies pour se rassurer de la relative beauté de notre quotidien ?
Se rappeler inlassablement « ça pourrait être pire ». C’est ça qu’il faut faire ?
Désolé mais je n’y crois pas
À quoi bon être nostalgique d’un temps que je n’ai même pas connu ?
Ce temps où cent kilomètres étaient l’autre bout du monde.
Ce temps où la nuit, les étoiles scintillaient encore par milliers dans le ciel.
Ce temps où le silence était à une poignée de mètres en tout endroit du globe.
Pour qui n’a pas cessé de rêver, ce monde existe d’ailleurs encore.
Chaque nuit, la lune stroboscope, et son orchestre en donnent la représentation. La poésie a l’imagination débordante, elle ferme les yeux et ouvre les cieux.
J’en suis sûr, nous avons encore besoin de la poésie, sûrement même n’en a -t-on jamais eu autant besoin.
C’est vrai, je vous l’accorde, elle a tendance à être pleurnicheuse et nostalgique. Parfois, – souvent même – elle est incompréhensible.
Mais il faut lui pardonner, pardonner à cette fabuleuse magicienne.
Après tout, elle seule est capable d’embellir le triste et de sublimer l’heureux.
Ce n’est pas comme si tout avait été dit, ce n’est pas comme si les mots avaient perdu de leur superbe.
Alors voici mon pari, sous cette lumière tamisée, sous ce ciel bleu nuit parsemé de quelques étoiles, je vais vous faire aimer la poésie.
Bon voyage.
Matthieu Slisse